Zéphirin Diabré,Chef de file de l'opposition politique du Burkina Faso.

Projet de dialogue politique avec le président du Faso Roch Kaboré:les préoccupations du Chef de file de l’opposition politique

Déclaration liminaire de la conférence de presse animée par le Chef de file de l’Opposition à Ouagadougou le 25 avril 2019

Chers amis journalistes,

Bonjour! Nous sommes heureux de vous retrouver ce matin dans la maison commune de l’Opposition politique.
Comme il vous a été annoncé, la présente conférence de presse porte principalement sur le dialogue politique initié par le chef de l’Etat. Nous parlerons également de quelques sujets d’actualité liés à la vie de la nation.

Mesdames et Messieurs,

A l’entame de cette conférence, et conformément à l’engagement que nous avons pris, je vous invite à avoir une pensée pieuse à l’endroit des victimes du massacre de Yirgou.
Cela fait aujourd’hui 125 jours que des filles et fils de ce pays ont été lâchement tués, tout simplement parce qu’ils ont eu le tord d’appartenir à une ethnie que des gens détestent. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas un début de justice. Yirgou est la preuve que l’ethnicisme, qui était jusque-là latent, a pris une tournure violente dans notre pays. Nous allons le combattre et l’éradiquer avec la dernière énergie.
L’Opposition exige à nouveau du Président du Faso et de la Justice de notre pays, de la vérité et de la justice sur Yirgou.
Cette revendication vaut pour tous les autres massacres ethniquement motivés qui commencent à devenir monnaie courante dans notre pays. Des nouvelles qui nous parviennent d’Arbinda font état de ce que des citoyens sont ciblés et assassinés sur la base de critères ethniques.
Aujourd’hui, plus que jamais, notre vivre ensemble est en danger !
Au nom de toute l’Opposition, j’en appelle à une union sacrée de toutes les bonnes volontés, pour éradiquer ce cancer qui tente de gangréner notre société.

Chers journalistes,

Le 1er avril dernier, l’Opposition politique recevait, dans cette même salle, la visite de courtoisie du Premier ministre, Christophe DABIRE. Le chef du Gouvernement annonçait, à cette occasion, la tenue d’un dialogue politique sous l’égide du Président du Faso.
Ainsi, sur invitation du Président Roch Marc Christian KABORE, une délégation de l’Opposition politique s’est rendue au palais de Kossyam le 04 avril 2019. L’ordre du jour de la rencontre portait sur l’institution d’un dialogue politique concernant le référendum et le vote des Burkinabè de l’extérieur, lequel dialogue devant commencer le 28 avril 2019.
A cette première rencontre, l’Opposition a insisté pour que les sujets de dialogue dépassent les aspects purement politiciens pour prendre en compte les questions de la vie nationale et les problèmes qui assaillent les Burkinabè au quotidien. Cette proposition a été acceptée.
Quelques jours après, le Président du Faso invitait, par correspondance, l’Opposition politique à fournir la liste des questions qu’elle souhaite voir inscrites à l’ordre du jour du dialogue.
Par une lettre datée du 10 avril, nous transmettions nos propositions au chef de l’Etat. Ces propositions sont reparties en 7 grands thèmes et 34 sous-thèmes :
LA SITUATION SECURITAIRE,
– LA RECONCILIATION NATIONALE,
– L’UNITE NATIONALE ET LA COHESION SOCIALE,
– LE CODE ELECTORAL ET ELECTIONS DE 2020,
– LA GOUVERNANCE,
– ET LES QUESTIONS SOCIALES.
Mais, dans le souci de faire de ce dialogue un succès à la hauteur des attentes des Burkinabè, et surtout pour que ledit dialogue ait un impact positif dans le quotidien des citoyens, nous avons conditionné notre participation au respect de deux préalables :
-La première a trait au statut et au cadre réglementaire de ce dialogue. Une rencontre aussi importante, en pleine crise, doit être encadrée par un texte.
-La seconde est relative aux modalités de mise en œuvre et de suivi des décisions qui seront issues de ce dialogue. L’Opposition n’est pas prête à aller causer de tout et de rien, puis se lever, sans qu’il n’y ait des solutions concrètes aux problèmes des Burkinabè. On l’a vu avec les syndicats, ce régime ne respecte même pas ses engagements écrits. Qu’en serait-il des engagements non écrits, de surcroit en l’absence de comité de suivi ? Le cas de la Commission constitutionnelle nous semble une bonne référence, si nous voulons un dialogue franc et fructueux.
Sans ces deux conditions, le dialogue ne sera qu’un outil de marketing politique, une mise en scène orchestrée par le chef de l’Etat pour montrer aux yeux des Burkinabè et du monde qu’il dialogue avec l’Opposition. Or, de notre entendement, la crise que traverse notre pays est si grave qu’il faut mettre tout le sérieux dans le dialogue annoncé.
Malheureusement, les faits sont nombreux, qui montrent que le Président du Faso n’accorde pas à ce dialogue toute l’importance qu’il faut. Alors que nous sommes à trois jours de la date annoncée initialement pour la tenue du dialogue, nous ne savons pas encore où il va se tenir, quels sont les points qui y seront débattus, ni comment vont se dérouler les travaux.
L’Opposition redit ici, de manière solennelle, qu’elle est disposée à participer au dialogue politique. Parce qu’il y va de l’avenir de notre pays. Mais, elle ne se prêtera pas à une action de marketing politique dans laquelle un pouvoir qui a échoué va utiliser les opposants pour soigner son image auprès des partenaires au développement et de la Communauté internationale. L’Opposition politique n’est pas dupe. Depuis trois ans et demi qu’il gouverne notre pays, et malgré l’aggravation constante de la crise, le pouvoir du MPP n’a jamais songé à rencontrer l’Opposition pour la concerter sur les problèmes du Burkina Faso. Cette attitude soudaine du pouvoir nous parait d’autant plus suspecte qu’elle survient au moment où les foyers de contestation se multiplient, alors que se profilent à l’horizon les élections de 2020. Nous participerons à ce dialogue, à condition qu’il soit sincère, qu’il aborde des problèmes de fond, et qu’il aboutisse à des décisions et recommandations consensuelles fortes qui seront immédiatement mises en application pour sauver notre pays du chaos.

Mesdames et Messieurs les journalistes,

Concernant la situation nationale, nous souhaitons donner notre point de vue sur les révélations de votre confrère Africa Intelligence, la fronde sociale et la première opération chirurgicale d’un cœur dans notre pays.
Dans son offre spéciale du 22 avril dernier, le magazine Africa Intelligence révélait que le Président du Faso, M. Roch Marc Christian KABORE, aurait repris les recettes de Blaise COMPAORE et négocierait avec les terroristes.
Si cette information était avérée, elle serait scandaleuse. En effet, depuis 2016, date à laquelle il s’est installé, le régime de Roch KABORE n’a cessé d’accuser Blaise COMPAORE d’avoir pactisé avec les terroristes. Dans la récente interview qu’il a accordée à la Deutsche Welle, le Président du Faso lui-même a ouvertement accusé son prédécesseur d’avoir « dealé » avec ceux qui nous attaquent, donc d’avoir contribué à la situation actuelle.
Si l’information se confirmait, Il y aurait donc de l’incohérence doublée de tâtonnement dans la manière de gouverner de M. KABORE. Puisqu’il a maintes fois déclaré qu’il ne négocierait pas avec les terroristes.
C’est pour cela que l’Opposition politique demande au Président Kaboré lui-même de faire preuve de transparence sur cette question. Oui ou non y a-t-il négociation avec les terroristes ? Si oui que cherche le Président en négociant avec ceux qui ont tué des centaines de Burkinabè et créé d’énormes dégâts matériels dans notre pays ? Quelle est la contrepartie que notre pays est prêt à offrir ? D’ailleurs, comment ces informations secrètes et détaillées ont pu se retrouver entre les mains de journalistes ?
Africa Intelligence révèle que les intermédiaires réclament des compensations financières. Nous disons que, si notre Gouvernement dispose de milliards pour offrir à des démarcheurs de la terreur, qu’il utilise directement cet argent pour mieux équiper nos FDS, les former davantage, les motiver et recruter d’autres jeunes.
Par ailleurs, si le Président KABORE est convaincu que la solution, c’est la négociation, pourquoi avoir attendu que tant de Burkinabè meurent et qu’un millier d’écoles ferment?
Dans tous les cas, nous demandons au Président du Faso de nous dire la vérité sur cette affaire. Notre inquiétude est d’autant plus fondée qu’en tant qu’opposition qui aspire à gérer le Burkina, nous ne voulons pas hériter de promesses faites dans le cadre de deals conclus en notre absence et qu’’il nous faudra honorer.

Mesdames et Messieurs,

Le front social est toujours en ébullition, malgré l’annonce d’une remise à plat des rémunérations. Des secteurs comme la Santé, l’Education, la Justice, les infrastructures,…sont concernés par les grèves et mouvements d’humeur. Notre position a toujours été que le Gouvernement doit dialoguer avec les syndicats de manière sincère, et respecter ses engagements. En outre, les différentes parties doivent rendre publiques les conclusions des accords, pour éviter des polémiques et des manquements de part et d’autre.

Chers journalistes,

L’Opposition politique a appris, avec une grande fierté, que des chirurgiens burkinabè ont mené avec succès le 23 avril dernier, au Centre hospitalier universitaire de Tengandogo, une opération de cœur sur une fillette de sept ans. C’est le fruit d’une coopération entre chirurgiens burkinabè et sénégalais. L’Opposition salue cet exploit des professionnels de la santé. C’est un pas important qui vient d’être franchi, dans la quête de services de santé de qualité et en adéquation avec les besoins du moment.
C’est sur cette note d’espoir que se termine la déclaration liminaire. Nous sommes disponibles pour répondre à vos différentes questions. Merci !

26 avril 2019

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