Les Évêques du Burkina (Photo d'archives)

Pâques 2018:le message des Évêques du Burkina qui interpelle la conscience de tous

RENOUVEAU ET RENAISSANCE POUR UN NOUVEAU DEPART

MESSAGE PASCAL DES EVEQUES DU BURKINA FASO

AVRIL 2018

 

  • Fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu au Burkina et vous tous frères et sœurs en humanité, « la paix soit avec vous ! » Nous vous saluons avec ces paroles du Christ ressuscité à ses disciples que sa mort tragique sur la croix avait laissés déçus, découragés, meurtris et désemparés. Nous implorons le Seigneur de répandre la lumière de Pâques sur toute l’Eglise-Famille de Dieu et sur tous les habitants du Burkina Faso.

 

  • Lors de notre dernière Assemblée Plénière ordinaire tenue à Koupéla du 13 au 18 février 2018, nous avons observé attentivement la vie de notre pays dans ses différents aspects et nous avons jugé opportun de vous adresser un message à l’occasion des fêtes pascales.

 

  • Pâques, fête de la résurrection du Christ est la célébration du salut de l’humanité, le don d’une grande lumière que Dieu fait aux hommes en Jésus-Christ. Elle vient dissiper les ténèbres de nos vies, illuminer et renouveler toutes les réalités de l’homme et de sa société, et nous inviter au renouveau et à la renaissance pour un nouveau départ.

 

  • Cette fête de Pâques est précédée du carême, temps privilégié de conversion. Nous y sommes entrés avec la conscience de notre fragilité et de notre condition de pécheurs devant Dieu, des pécheurs engagés dans une démarche sincère de conversion par le jeûne, la prière, la pénitence et les œuvres de charité. Durant ce temps, nous avons été invités à nous laisser conduire par Dieu au désert spirituel fait de silence et de dépouillement, pour vivre en communion d’amour avec le Seigneur. Le premier, il nous a aimés et nous donne la grâce de faire l’expérience de sa miséricordieuse bonté et de son amour.

La joie de Pâques au cœur de notre vie

  • La joie de Pâques vient de ce don gratuit que Dieu nous fait de sa vie éternelle et que nous devons accueillir par une foi humble et généreuse. Elle vient porter à la plénitude et multiplier les joies de nos existences humaines individuelles et collectives. En dépit du contexte sécuritaire très difficile, de la forte demande sociale et des difficultés économiques, nous aurons toujours des motifs de joie et d’espérance, tant que se maintient solidement la cohésion sociale qui fait notre force dans les épreuves et dans l’adversité, tant que nous restons solidaires avec tous, en particulier avec les plus démunis, et tant que nous œuvrons ensemble au progrès moral de notre société burkinabè et à l’amélioration de nos conditions de vie.

 

  • La joie de Pâques ne nous fera certes pas oublier les problèmes que nous vivons dans nos familles et dans notre pays, mais le Christ Ressuscité vient les transfigurer par sa lumière et nous donner les ressources nécessaires pour les surmonter et pour ouvrir des chemins d’espérance et de renouveau. C’est au cœur de nos réalités humaines faites d’ombres et de lumière que nous devons vivre notre joie de ressuscités.

Parmi les ombres qui obscurcissent la vie de notre nation, nous mentionnons :

  • la pauvreté chronique qui entraîne des souffrances de toutes sortes et constitue un frein au développement intégral et durable ;
  • les injustices sociales qui font beaucoup de victimes dans la société et qui ne font qu’accroître l’écart entre les riches et les pauvres et engendrer des frustrations et des sentiments de révolte ;
  • la corruption, sous-produit de la multiplication de façon exponentielle des injustices, qui gangrène la société burkinabè à tous les échelons et tend à devenir une culture dont les codes s’imposent partout ;
  • l’insécurité qui tend à devenir chronique dans le pays, en dépit de l’engagement louable des gouvernants et des forces de défense et de sécurité en vue de la sécurisation de tout le territoire national ;
  • enfin, les cas d’incivisme de plus en plus nombreux et le recours de plus en plus fréquent à la violence pour se rendre justice.

Ces zones d’ombre de notre société burkinabè sont, en grande partie, les conséquences de la perte des valeurs morales et spirituelles. Les chrétiens sont invités à œuvrer, en collaboration avec les autres citoyens, à dissiper ces ombres, en étant lumière par leur témoignage de vie.

Un nouveau départ

  • Eclairés par la lumière de Pâques, tous les fidèles du Christ, individuellement et en communauté, sont invités à se renouveler et à renouveler toutes les réalités qu’ils vivent. La lumière du Christ, comme le dit Lumen Gentium[1], brille sur le visage de l’Eglise. En plus de ce devoir de renouveau dans la célébration de Pâques, nous voulons rappeler aussi cette invitation du Pape François aux chrétiens : « la miséricorde ne peut être une parenthèse dans la vie de l’Eglise, mais elle en constitue l’existence même, qui rend manifeste et tangible la vérité profonde de l’Evangile. »[2] Le Saint Père exprime par là que la miséricorde célébrée en 2016 ne se limite pas à l’année jubilaire, mais doit être une attitude permanente de l’Eglise et du chrétien qui est donc invité à accomplir de nouvelles œuvres de miséricorde, par des formes concrètes de charité. C’est une invitation pressante à l’action animée par l’esprit de compassion et d’initiative, sans attendre que la solution de nos problèmes vienne toujours d’ailleurs. « Tant que Lazare gît à la porte de notre maison, affirme le Pape, il ne pourra y avoir de justice, ni de paix sociale » (Luc 16,19-21)[3]. Les personnes qui souffrent et sont parfois victimes de la misère espèrent trouver en nous un cœur miséricordieux pour prendre soin du Christ en elles. Elles attendent également que nous nous engagions à lutter contre les causes de leurs souffrances et de leur misère, ces causes qui ont pour noms l’insécurité, l’incivisme, les injustices, l’impunité, la corruption et la mauvaise gouvernance.

Nécessité d’un renouveau

  • Comme nous l’avons déjà souligné, l’insécurité reste une préoccupation majeure. Elle révèle la fragilité de notre coexistence pacifique en même temps qu’elle représente un grand défi pour la cohésion sociale et le développement harmonieux de notre pays. Si les réponses sécuritaires demeurent nécessaires, il semble évident aujourd’hui qu’elles sont insuffisantes pour garantir la paix et la sécurité. Notre pays le Burkina Faso qui vit dans un contexte sécuritaire national, régional et international très critique a été la cible de plusieurs attaques terroristes dont les plus récentes ont encore endeuillé toute la nation le 2 mars dernier.

 

  • Nous saisissons cette occasion pour exprimer notre compassion à toutes les victimes et nos condoléances à toutes les familles éplorées. Ensemble soyons vigilants et tenons fermement en main la principale arme que nous avons : la prière.

 

  • La justice, le dialogue et l’amitié entre les citoyens, les communautés et les peuples sont les meilleures réponses à moyen et à long termes dans la lutte contre la haine, le mépris, l’intolérance, les discriminations et la violence.

 

  • Nous avons constaté que réellement les élections apaisées et crédibles ont remis notre pays dans un courant démocratique ou la liberté d’expression est de plus en plus grande.
  • Il y a dans notre pays une véritable soif de justice et il est heureux que la culture de l’impunité recule. Les petits comme les faibles osent de plus en plus réclamer leurs droits légitimes ;
  • Le dialogue social souvent élargi a permis de mettre fin à des grèves qui paralysaient les secteurs de l’éducation et de la santé ;
  • Des efforts sont accomplis en faveur de la santé de la mère et de l’enfant ;
  • Face à l’insécurité, l’engagement et l’abnégation des Forces de Défense et de Sécurité appellent notre respect à tous. La cohésion arme tous les citoyens de courage et de détermination ;
  • Des indicateurs montrent que la corruption régresse même si cela est encore faible ;

Nous invitons les chrétiens ainsi que tous les croyants et toutes les personnes de bonne volonté à cultiver l’esprit de justice, de dialogue, d’amitié et de solidarité, tout en accueillant cet esprit dans la prière comme un don de Dieu.

 

  • Depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014, le peuple burkinabè a acquis, certes, une plus grande liberté d’expression et d’opinion, mais il est regrettable que certains citoyens en abusent pour porter atteinte à la dignité d’autrui ou à l’ordre public ou encore pour commettre des actes d’incivisme. Maintenir intacte la capacité de s’indigner lorsque la dignité et les droits humains sont violés ne signifie pas qu’il faille créer un contexte insurrectionnel permanent, car c’est par l’exercice apaisé de la démocratie, dans la sérénité, dans la solidarité et dans la patience que nous allons construire un pays où il fait bon vivre et où chacun réalise ses aspirations les plus élevées et les plus profondes.

 

  • L’insurrection populaire exprimait également l’espoir d’une réelle indépendance de la justice qui n’adviendra véritablement dans notre pays que si les autorités et les citoyens s’engagent à respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Tous les citoyens appellent de leurs vœux l’avènement de cette indépendance de la justice, car elle est la condition indispensable pour l’exercice équitable de la justice, pour la lutte efficace contre l’impunité et la corruption et pour la consolidation de l’Etat de droit démocratique. Il convient particulièrement de relever ce défi. Des sacrifices ont été consentis pour la Justice. Il convient que celle-ci redore son image par un travail consciencieux dans l’intégrité et l’indépendance.

 

  • Il importe de rappeler aux disciples du Christ que la corruption est une pratique radicalement contraire à l’esprit de pauvreté évangélique à laquelle le Christ les invite. Nous exhortons les chrétiens et les hommes de bonne volonté à résister courageusement à la culture de la corruption qui semble obéir à une logique implacable de survie. Nous devons nous convaincre qu’elle n’est pas une fatalité si nous sommes animés par l’idéal de justice et du bien commun. La culture de la corruption se propage là où les citoyens ne se préoccupent que de leurs intérêts personnels, de leur confort et de leur avenir au détriment des divers services publics et privés. Il est déplorable que certains citoyens en position de responsabilité ne s’engagent à accomplir leur devoir ou leur travail que s’ils sont assurés d’en tirer d’importants intérêts personnels ou partisans. Manifestement, ces citoyens manquent du sursaut patriotique qui, dans certaines circonstances, exige le sacrifice des intérêts personnels et même de sa propre vie. Or, là où les citoyens ne sont pas capables de se sacrifier en acceptant de consacrer leur temps, leurs compétences et leurs ressources au service des autres et de leur patrie, ils en viennent presque toujours à sacrifier les plus faibles et les plus pauvres sur l’autel de leurs intérêts égoïstes, de leur bien-être et de leurs projets personnels.

 

  • Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir de la découverte et de l’exploitation d’importantes ressources minières qui représentent un apport substantiel au développement de notre pays. Mais nous ne devons pas oublier que la principale ressource d’un pays, ce sont ses habitants. De là viennent l’urgence et la nécessité d’assurer une formation de qualité à tous les citoyens, afin qu’ils puissent prendre une part active au développement du pays. Le taux relativement élevé de croissance démographique peut devenir un atout si tous les enfants et tous les jeunes sont scolarisés, formés professionnellement, éduqués aux valeurs morales et citoyennes, et protégés dans leurs droits fondamentaux.

 

  • L’Education demeure un défi majeur pour l’avenir de l’Eglise et de la Cité. Il nous faut en faire une priorité, consentir à en faire les frais (Etat et ses partenaires locaux et internationaux), promouvoir une culture de l’excellence aussi bien chez les éduqués que chez les éducateurs… Nous voulons des « têtes bien pleines «certes, mais surtout des « têtes bien faites». Il est aussi nécessaire de promouvoir la culture du travail bien fait (l’excellence) et cela dans la discipline et l’abnégation. Les grèves incessantes – malgré leur légitimité – portent préjudice au travail effectif nécessaire pour avancer dans le progrès. « Le gâteau burkinabè » est pour tous les Burkinabè. La petite minorité des salariés (2% au maximum) ne devraient jamais oublier la grande majorité des populations laborieuses et pauvres de nos villes et campagnes !!!

 

  • C’est une vision que nous parviendrons à réaliser dans le moyen ou long terme à condition que gouvernants et citoyens soient animés par l’éthique du travail bien fait et de la solidarité, et s’engagent à transformer la société par des actions rationnelles et solidaires.

L’espérance d’une société meilleure

  • Nous n’avons pas de solutions-miracles à proposer aux chrétiens ou aux gouvernants pour résoudre les problèmes et vaincre les difficultés que connaît aujourd’hui notre pays. Nous sommes convaincus cependant que la lumière de la Résurrection du Christ est une source d’espérance dans nos engagements et une grâce de renouveau pour nos vies et pour notre pays. Or l’espérance, écrit Saint Paul, ne déçoit pas (cf. Rm 5, 5). Ainsi donc, « la foi au Christ ressuscité et l’expérience de la miséricorde de Dieu nous invitent à nous tourner vers l’avenir avec espérance et  à nous remettre en route. »[4]

 

  • C’est pourquoi, nous vous exhortons à accueillir ensemble cette vie nouvelle en vue d’un renouveau de nos cœurs et de toutes nos réalités humaines. Cela exige que nous acceptions de laisser mourir ce qui est ancien pour que renaisse l’homme nouveau, porteur d’une nouvelle vision, celle d’une éthique du travail et du pouvoir comme service, celle de la solidarité et du partage, celle de la vérité et de la justice. Il s’agit d’une vision fondée sur l’espérance d’un changement qualitatif de la société dont les repères constants sont les valeurs humaines et spirituelles qui humanisent l’homme et ses relations sociales.

 

  • La lumière du Christ ressuscité qui brille sur le visage de l’Eglise éclairera toutes les réalités de notre vie et de notre pays, si le visage des chrétiens reflète cette lumière, au cœur de leurs engagements, partout où ils vivent et travaillent.

 

  • Daigne le Seigneur ressuscité vous combler de sa joie, de sa lumière et de sa paix pour que vous soyez témoins de sa victoire sur le mal et la mort et pour que vous soyez artisans de son Royaume de justice et de paix ! Par l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, que le Seigneur bénisse le Burkina Faso et nous donne de marcher ensemble sur les chemins de justice et de réconciliation pour une paix véritable.

Joyeuse Pâques à tous et à toutes !

Vos Evêques du Burkina Faso

Son Excellence Mgr Paul Y. OUEDRAOGO, Archevêque de Bobo-Dioulasso, Président de la CEB-N.

Son Eminence Cardinal Philippe OUEDRAOGO, Archevêque de Ouagadougou.

Son Excellence Mgr Séraphin François ROUAMBA, Archevêque de Koupéla.

Son Excellence Mgr Joachim OUEDRAOGO, Evêque de Koudougou, Vice-Président de la CEB-N.

Son Excellence Mgr Lucas K. SANOU, Evêque de Banfora.

Son Excellence Mgr Thomas KABORE, Evêque de Kaya.

Son Excellence Mgr Joseph SAMA, Evêque de Nouna.

Son Excellence Mgr Raphaël KUSIELE DABIRE, Evêque de Diébougou.

Son Excellence Mgr Justin KIENTEGA, Evêque de Ouahigouya.

Son Excellence Mgr Gabriel SAYAOGO, Evêque de Manga.

Son Excellence Mgr Modeste KAMBOU, Evêque de Gaoua.

Son Excellence Mgr Pierre Claver Y. MALGO, Evêque de Fada N’Gourma.

Son Excellence Mgr Prosper KONTIEBO, Evêque de Tenkodogo.

Son Excellence Mgr Laurent DABIRE, Evêque de Dori.

Son Excellence Mgr Léopold Médard OUEDRAOGO, Evêque Auxiliaire de Ouagadougou et Administrateur apostolique de Dédougou.

01 Avril 2018

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