Des rebelles du groupe islamiste Ansar Dine, dans un pick-up à Tombouctou, au Mali, le 6 avril 2012. © AFP/AFPTV/FRANCE 2

Mali: 9 ans après leur saccage par les jihadistes les mausolées de Tombouctou renaissent

Près de neuf ans après le saccage des mausolées de Tombouctou, et cinq ans après leur reconstruction, les habitants se sont réapproprié ces trésors religieux, indissociables de l’identité même de la « Ville aux 333 saints ».

À quelques pas de la Grande mosquée de Djingareyber, les grilles d’un cimetière. Sur le sol sablonneux, de sobres écriteaux indiquent les emplacements des tombes. Au milieu, trois mausolées de pierre claire d’environ deux mètres s’élèvent.

Alpha Ibrahim Ben Essayouti, imam adjoint de la Grande mosquée de Djingareyber, est présent sur les lieux. « Ceux qui sont enterrés sont de grandes personnalités qui ont marqué les époques par leur érudition et leur probité morale », dit l’imam. Puis il poursuit : « La pratique rituelle autour des mausolées consiste à venir s’y recueillir. Pas pour venir faire une demande au saint-homme, mais pour demander qu’Allah répande sur lui sa miséricorde et son pardon. Nul ne se prosterne devant un mausolée. On y récite les formules sacrées du livre saint. »

Souvenir glaçant de la destruction

Une explication à laquelle tient l’imam, car c’est bien parce qu’ils reprochaient aux Tombouctiens de les idolâtrer que les jihadistes d’Ansar Dine ont détruit 24 des mausolées de la ville.

Abdoulaye Cissé, commerçant, en a été témoin. « J’ai vu de mes propres yeux. J’ai mon magasin en face de “La Porte qui ne s’ouvre pas”. Sanda (un membre dirigeant d’Ansar Dine, ndlr) est venu me voir et il m’a dit “aujourd’hui on va l’ouvrir et on va voir si le monde va finir”. Une semaine après ils sont revenus avec de l’argent, des pics, des pioches, et ils l’ont détruit. C’est un très mauvais souvenir qu’on ne veut pas voir revenir… », raconte le commerçant.

Se réapproprier les mausolées

Plus de 700 ans après la construction des plus anciens, et trois ans après leur destruction, les mausolées de Tombouctou ont été rebâtis selon les méthodes traditionnelles. Depuis, les habitants se sont réapproprié leurs mausolées, comme Sandi Ben Sidi et Mahamane Abdou, rencontrés sur le marché.

« Chaque vendredi, si je quitte la mosquée je pars là-bas, à coté du camps de garde de la tribu des Kounta. Tous les musulmans nés à Tombouctou ont fait ça », dit Sandi Ben Sidi, qui apprécie la reconstruction des mausolées : « Avant c’était ancien, maintenant c’est tout aussi bien, ils ont bien été reconstruits. Il n’y a aucune différence ». Mahamane Abdou, lui, peut rendre hommage. « Vendredi, tout récemment, j’ai prié, non pas pour le saint, mais pour l’ensemble des musulmans enterrés dans le cimetière. Je vais au mausolée de cheick Sid Mahmoud ben Amar et à d’autres. »

Les autorités de Transition et la Cour pénale internationale organisent ce mardi 30 mars une cérémonie de réparation symbolique dans l’affaire des mausolées de Tombouctou. Elle fait suite à la condamnation par la CPI, en 2016, d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, cadre d’Ansar Dine qui avait commandé la destruction des mausolées en 2012. Une première dans une affaire de destruction de patrimoine culturel.

Source: rfi.fr

Alpha Ibrahim Ben Essayouti, imam adjoint de la Grande Mosquée de Djingareyber, devant les grilles d'un cimetière abritant trois mausolées, le 23 mars 2021.

Alpha Ibrahim Ben Essayouti, imam adjoint de la Grande Mosquée de Djingareyber, devant les grilles d’un cimetière abritant trois mausolées, le 23 mars 2021. © RFI/David Baché

03 Avril 2021

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