Lutter contre les jihadistes et plus généralement contre les groupes armés, c’est l’objectif affiché du gouvernement malien. Pour cela, il bénéficie du soutien des Européens, et notamment de la France et de l’Allemagne. Leurs ministres de la défense respectifs étaient d’ailleurs à Gao et à Bamako le mardi 1er août 2017.
La ministre française des Armées était au Sahel pour une visite d’étape, après le lancement, annoncé début juillet de la Force conjointe du G5 Sahel, et alors que les financements se font toujours attendre. Elle a assuré qu’une conférence des donateurs se tiendrait fin septembre à Berlin afin de trouver l’argent nécessaire. Pour l’heure, l’Union européenne a annoncé le déblocage de seulement 50 millions d’euros.
La France a promis 8 millions d’euros sur cinq ans, en plus d’aides opérationnelles et techniques annoncées, lors du sommet de Bamako. La ministre des Armées, Florence Parly espère que les premières opérations de la Force conjointe pourront être menées d’ici le mois d’octobre après la saison des pluies. C’est en effet généralement à cette période que les opérations militaires reprennent.
Situation sécuritaire dégradée
Au total, « sept bataillons doivent voir le jour pour une force globale de 5 000 hommes, ce qui pour schématiser, représentera un bataillon par pays et par PC », indique-t-on dans l’entourage de la ministre confirmant les informations obtenues par RFI, le 3 juillet dernier. Le quartier général de la Force conjointe sera établi à Sévaré, dans le centre du Mali, et s’appuiera sur trois postes de commandement de secteurs : un secteur « Ouest », englobant la Mauritanie et le Mali, un secteur « Est », couvrant le Tchad et le Niger, et une troisième zone au centre, dont le PC sera installé à Niamey et aura en charge le contrôle des opérations dans la zone Mali-Burkina Faso-Niger. C’est de là que devrait être lancée la première opération de la Force conjointe. « D’ici l’automne une première capacité opérationnelle (IOC) sera déclarée, alors que l’ensemble devrait pleinement opérationnel (FOC) au printemps 2018 », précise-t-on encore.
Principale difficulté, les armées des pays de la région doivent s’organiser tout en continuant à lutter contre les groupes terroristes. C’est vrai au Mali où les attentats où les actions de harcèlement des groupes terroristes sont régulières. Près de 10 000 hommes ont été formés par l’Union européenne (EUTM), mais pour quel niveau opérationnel ? Au Niger, une armée fragile, combat sur deux fronts. A Diffa, au sud, contre Boko Haram, et dans la zone frontalière près du Mali. Pour le Tchad, engagé dans la Minusma (la Mission de l’ONU) et dans la Force mixte multinationale, le problème est financier. Les caisses sont vides, et les opérations coûtent cher.
« Barkhane reste à vos côtés », a assuré la ministre, mais pour combien de temps ? L’opération mobilise 4 000 soldats et représente environ 500 millions d’euros de surcoût chaque année à la France. Selon le renseignement français, près de 400 terroristes courent toujours malgré des opérations conjointes, réussies en début d’année dans le Gourma, à la frontière entre le Mali et le Burkina Faso.
Implications européennes
Près d’un millier de soldats allemands participent à la mission de l’ONU dans la région depuis le « camp Castor » de Gao, dont 639 deployés au 30 juin 2017. Les Allemands fournissent des drones et des hélicoptères, dont l’utilisation reste soumise aux règles d’engagements (ROE) des Nations unies (Chapitre 7). L’armée de l’air allemande peut venir aider la force Barkhane en cas d’évacuation sanitaire, mais Berlin est attendu également sur le financement des capacités militaires des pays du G5. Une aide dans la construction d’infrastructures ou dans le paiement des cessions de matériels militaires destinés aux partenaires sahéliens.
De ce point de vue, le sommet Franco-allemand du 13 juillet, a été décevant. D’autres partenaires comme les Néerlandais ou les Belges pourraient également se mobiliser. Ces deux pays opèrent régulièrement au Sahel. Depuis l’an dernier, c’est un général belge qui dirige l’école de formation européenne de Koulikoro au Mali. Le premier commandant de mission EUTM fut le général de brigade français François Lecointre, devenu le 20 juillet dernier, le chef d’état-major de l’armée française. EUTM, qui a reçu récemment la visite de l’UE et de l’AFRICOM, est en train de changer de méthode, en décentralisant son action, de manière à augmenter l’efficacité des éléments en unités et mettant l’accent sur la « formation de formateurs ».
Frapper fort avant d’alléger le dispositif ?
Pour faciliter les actions futures de la Force conjointe, la force française Barkhane va devoir préparer le terrain. Il va falloir obtenir des succès de manière à laisser le temps nécessaire aux partenaires de monter en puissance. Il faut notamment réduire la menace des groupes les plus dangereux comme le groupe Etat islamique pour le Grand Sahara, quitte à s’allier à des milices locales, comme c’est le cas en ce moment dans le secteur de Ménaka au Mali.
Depuis quelques semaines, l’armée française tente avec le soutien des hommes du colonel Ag Gamou et ceux de Moussa Ag Acharatoumane d’en finir avec le chef jihadiste Abou Walid al-Sahraoui. « Il n’y aura pas de Surge (montée en puissance des effectifs, pour réduire la menace de l’adversaire, NDLR) comme en Irak et en Afghanistan », prévient-on à Paris. Si la France allège son dispositif militaire dans la région d’ici « trois ans », elle ne devra pas couper le contact avec les éléments « locaux » capables de combattre à ses côtés en cas de montée de tensions. Autant que possible, le matériel employé par les partenaires régionaux devra également être compatible avec celui de l’armée française : en son temps Jean-Yves Le Drian, devenu depuis ministre des Affaires étrangères, avait plaidé pour un véritable programme de cession de matériel et de formations associés, afin de bâtir les capacités des pays de la région.
Empreinte légère
A l’avenir, davantage d’opérations pourraient être conduites directement depuis le territoire national, à condition que la France et l’Europe comblent leur déficit en matière de transport aérien militaire. A terme, la France pourrait être tentée de ne conserver dans la région que « les fonctions clés » : renseignement, conduite des opérations, communications, moyens aériens. Elle pourrait alléger son empreinte logistique, en ne laissant derrière qu’un réseau de petites bases « en sommeil » prêtes à être « réactivées » en cas de problème avec l’arrivée de quelques centaines de soldats ou de forces spéciales. C’est la logique adoptée par le Pentagone en Afrique notamment.
Pour la France, il ne s’agit à ce stade que d’hypothèses, car l’armée française ne semble pas favorable à l’abandon de ses dispositifs permanents, ou de ses forces prépositionnées en Afrique. Elles permettent d’obtenir de la réactivité, mais induisent aussi un affichage important de la France dans la région, sans compter les pertes enregistrées au fils des mois. Mais il ne s’agit pas que d’une question militaire. Dans le centre du Mali, l’enjeu c’est la question des « Peuls », reconnait-on à Paris et plus largement du développement dans la région.