Point de vue
Les interprétations relatives aux équivalences des titres et fonctions de la chefferie traditionnelle et coutumière au Burkina Faso sont diversement appréciées. Il semble difficile d’établir une équivalence exacte des appellations de langues nationales avec le français. Il reste à souhaiter que dans le projet de statut de la chefferie traditionnelle au Burkina, les violons puissent être résolument accordés sur des terminologies officielles pour mieux éclairer les citoyens et les ouvrages didactiques sur l’histoire du Burkina Faso. En attendant, monsieur Mimtiri Armand Ouédraogo apporte sa part d’éclairage sur les appellations des dignitaires de la chefferie moaga du royaume du Mogho Naba. Son écrit est en rapport avec l’article de l’Agence de Presse Labor sur le terme ‘’ premier ministre ‘’qui n’existerait pas dans l’appellation des chefs coutumiers autour du Mogho Naba selon l’empereur des mossé,Sa Majesté le Mogho Naba Baongho qui parle plutôt de Doyen en ce qui concerne le Ouidi Naba.
Mesdames et Messieurs de la rédaction de l’agence de presse Labor,
J’ai lu, dans la livraison en ligne du samedi 06 juin 2015 de l’Agence de presse Labor (APL), le compte rendu d’un entretien avec le Pangsoaba Baongho à son palais ce jour-même. « Pangsoaba » est l’appellation originelle moaga du roi de Ouagadougou et signifie « Propriétaire de la force » ; autrement dit, c’est le premier détenteur du pouvoir temporel à l’échelle du royaume.
Je prends acte des efforts que vous avez déployés pour être reçu par Sa Majesté le Moogho Naba afin de recueillir des informations et des points de vue du souverain à destination de vos lecteurs. Aussi, je vous en félicite.
Bien je ne conteste pas les propos de Sa Majesté Naba Baongho, je voudrais élever le niveau du débat et je crois être dans mon droit car le sujet étant maintenant sur la place publique, chacun peut dire ce qu’il en pense. C’est pourquoi pour moi, autant il n’y a pas la notion de « Premier ministre » dans l’organisation sociale moaga, autant il n’y a pas de concept en mooré susceptible d’être traduit en français par le terme « Majesté ». Il en est de même du mot « Excellence » qui, au sens strict du vocable, est une incongruité du moment qu’il n’y a pas d’équivalent en mooré. Ainsi, dans la langue de Naba Oubri, le Moogho Naba est simplement le « Pangsoaba » et ses principaux dignitaires appelés des « kugziidba ».
Le mot « kugziidba », pluriel de « kugziida » (ou « kombemba », pluriel de « kombéré ») signifie littéralement « ceux qui sont assis sur les cailloux ». Sur l’aire où se déroulent les cérémonies dites du « faux départ » du vendredi à « Panghin » (« là où il y a la force » c’est-à-dire le pouvoir), il y a des cailloux sur lesquels s’asseyent les kugziidba en fonction de l’ordre de préséance des dignitaires. C’est en mettant en parallèle l’architecture pyramidale du pouvoir centralisé moaga avec l’organisation du modèle de l’Etat de droit français que des équivalences ont été trouvées entre les deux systèmes. Si fait que si on part du principe que « Chez nous, il n’y a pas de premier ministre », il n’y a par conséquent pas de Majesté (mais « Pangsoaba »); ni d’Excellences (mais des « kugziidba »). Il n’y a donc pas de « ministres » encore moins de « ministres spéciaux ».
Si donc on peut dire « Majesté » en français pour ce qui est du Moogho Naba alors qu’en mooré c’est « Pangsoaba », pourquoi ne pourrait-on pas qualifier le Ouidi Naba de Premier ministre même si en mooré, il s’agit du Doyen de la Cour ? Ce serait faire du deux poids, deux mesures que de procéder ainsi. Par ailleurs, je vous conseille, à l’avenir, de ne pas utiliser une photo d’archive pour illustrer un article d’une telle importance ; ou si vous décidez d’en utiliser une, assurez-vous que toutes les personnes concernées s’y trouvent. En outre, je vous recommande de donner la parole de façon équilibrée : dans le cas d’espèce, vous avez recueilli le point de vue du Larlé Naba sans celui du Ouidi Naba alors que ce dernier est le Doyen de la Cour et donc vient protocolairement avant le Larlé Naba. De plus, le fait que l’article le concerne au premier plan, la sagesse aurait voulu que vous fussiez allé à lui aussi ne serait-ce que pour l’écouter.
Tout cela étant dit, Doyen de la Cour ou premier kugziida, il reste que le Ouidi Naba, même s’il n’est pas « Premier ministre » au sens français du terme, est, reste et demeurera du point de vue de la préséance le premier dignitaire de Sa Majesté, tout comme le Premier ministre l’est pour le Président de la République. C’est dire que même si la lettre est différente, l’esprit de cette lettre demeure. Quelque part, du bonnet blanc et blanc bonnet.
Mimtiri Armand OUEDRAOGO
minimouedraogo@gmail.com
Merci mon cher Mari d’engager enfin le débat, preuve que le moogho du Burkindi et des Burkimbi ne veut pas rater cette fois, le rendez-vous de l’histoire. Wend na luii taoré, ti saamdamb pugyian. Et le bafond de l’abondance, de la prospérité, de la justice et de l’amour entre les Peuples dans la fraternité et la solidarité se recouvrera petit à petit mais sûrement de ce limon-là. Merci chers pères descendants de nos ancêtres.