Déclaration liminaire
Chers amis de la presse, bienvenue au traditionnel point de presse du CFOP.
Nous proposons d’échanger avec vous sur les thèmes d’actualité que sont :
–La triple attaque terroriste du weekend dernier;
-Les conclusions de la conférence sur la rémunération des agents de l’Etat;
-L’instrumentalisation des OSC par le MPP;
-L’arrestation de l’activiste Naim TOURE.
Selon un communiqué du ministère en charge de la sécurité, dans la nuit du samedi 16 au dimanche 17 juin 2018, trois attaques ont été perpétrées par des hommes armés non identifiés, d’abord au poste de contrôle de l’Office National de la Sécurité Routière (ONASER ) de Tindangou dans la province de la Kompienga, et simultanément au Commissariat de Police de District et à la Brigade de Gendarmerie de Comin-Yanga dans la province du Koulpelogo.
Cette attaque a couté la vie à l’Officier Principal de Police Emmanuel ZONGO, au poste de contrôle ONASER de Tindangou. Ces attaques ont également fait un blessé léger au Commissariat de Police de District de Comin-yanga.
L’Opposition présente ses condoléances émues à la famille ZONGO, et souhaite un prompt rétablissement au blessé.
L’Opposition politique félicite vivement les forces de défense et de sécurité, dont le professionnalisme et la réactivité ont permis de riposter comme il se doit, d’abattre un terroriste et de disperser les autres.
Dans cette guerre asymétrique, nous constatons une tentative des terroristes d’attaquer de nouvelles positions (surtout frontalières) de nos forces de défense et de sécurité.
C’est le lieu pour l’Opposition d’appeler à plus de vigilance des populations, et d’inviter les communautés à s’organiser pour contribuer à la lutte contre le terrorisme.
Mesdames et Messieurs les journalistes,
La conférence sur la rationalisation du système de rémunération des agents publics de l’Etat, qui devrait sonner la fin des revendications tout azimut, apparaît comme une nouvelle pomme de discorde entre le gouvernement et une partie des syndicats.
En rappel, la conférence avait pour objectif de trouver des solutions durables à la problématique de la rationalisation du système de rémunération des agents de l’Etat, en remettant « à plat le système de rémunération des agents publics de l’Etat». Pour ce faire, trois ateliers thématiques ont été mis en place :
-Grands principes et valeurs structurants de la fonction publique et restauration de l’autorité de l’Etat ;
-Rationalisation du système de rémunération des agents public de l’Etat (cadre juridique, système indiciaire et indemnitaire),
-Rationalisation des dépenses de l’Etat, autres avantages en natures servis aux agents de l’Etat et optimisation des recettes fiscales.
Il devait donc ressortir de cette conférence des résultats à même de créer les conditions d’une justice et d’une équité dans le traitement salarial des agents publics et, finalement, de faire baisser, voire de mettre fin aux grèves et autres remous sociaux.
Deux observations qui peuvent être faites peuvent être faites :
-D’abord, d’ordre général ;
-Ensuite, les observations particulières.
Sur le premier point, on peut noter les éléments suivants :
-Les participants : certains d’entre eux n’avaient pas leur place dans l’enceinte des débats. Les agents publics sont liés à leur employeur (l’Etat) par un contrat (dit d’adhésion). On ne voit pas des raisons qui militent en faveur de la présence de « certaines forces vives », sauf à les instrumentaliser dans le sens d’une confrontation entre les travailleurs ;
-L’absence de certains syndicats, les plus concernés par une telle rencontre. Dans le cas d’espèce, on note que le Fonds commun a été abordé par des participants qui avaient déjà des opinions très tranchées sur la question ;
-Le « Document préparatoire », comme on l’a appelé, n’était pas bien élaboré. En de pareils circonstances, il faut envisager toutes les hypothèses et surtout les chiffrer afin que soient clairement visibles les « gains » pour l’Etat et aussi ce qui sera fait de ces gains.
-De nombreuses recommandations ne sont pas nouvelles : on note par exemple la proposition de suppression de certaines institutions. Il en est de même du CES ou du Médiateur du Faso. Ces mêmes propositions avaient été faites par le gouvernement de la Transition, voire par le dernier gouvernement de Blaise Compaoré. En effet, la Transition avait adopté le 13 février 2015 dans un rapport en conseil des ministres, une batterie de mesures tendant à a réduction du train de vie de l’Etat (annulation des rubriques matériels et mobiliers des ministères et des institutions, réduction à hauteur de 25% des rubriques réunions et conférences, réduction de 40% des crédits alloués à l’Assemblée nationale, réduction des ministères, etc.)
-La confusion (entretenue ?) entre les déclarations de certains participants et le contenu du rapport synthétique de la conférence. Par exemple, un des syndicalistes affirme que 80% des salariés verront leurs revenus augmentés alors que cette affirmation n’apparaît pas dans le rapport synthétique. Le Premier ministre et le ministre des finances annoncent que même les hauts responsables sont touchés par les mesures, alors que nulle part dans le rapport, on ne parle des avantages et des rémunérations des ministres comme d’elle-même (le problème des contrats de ceux ou celles qui viennent comme membre du gouvernement). Par ailleurs, tous les corps ne sont pas touchés, contrairement à ce qui est dit. On note que les statuts particuliers et autonomes ne sont pas touchés, de sorte que ne sont concernés que les travailleurs relevant de la loi 081.
Sur le deuxième point, nous notons les éléments suivants :
-Le Fonds commun n’a pas été abrogé contrairement à ce qu’ils ont fait dire et écrire par les « marcheurs » et autres acteurs sur le net. La formule qui a été retenue (plafonnement à 25% des salaires et indexation sur les pénalités et les amendes) risque de « radicaliser » les agents concernés. Peut-on se fonder sur des infractions économiques ou financières (sources des amendes et des pénalités) pour asseoir un système de motivation du personnel financier ? C’est en fait une prime ou une incitation de l’Etat à l’incivisme fiscal. Par ailleurs, contrairement à ce qui est véhiculé et qui tend à dire que les amendes ne font pas partie des recettes propres du budget de l’Etat, il faut se conformer à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n°073-2015/CNT du 6 novembre 2015 qui indique très clairement que les recettes budgétaires de l’Etat comprennent « les impôts, les taxes et le produits des amendes »
-L’indexation du FC aux amendes et pénalités est aussi contestable du fait du principe de la non affectation des recettes aux dépenses. Cela veut dire qu’il est strictement interdit de déterminer des recettes particulières du budget de l’Etat pour les affecter à des dépenses particulières. En clair, l’Etat ne peut pas décider par exemple que dans le budget de l’Etat, les impôts (TVA ou IS) seront utilisés pour payer les salaires des ministres ou les émoluments des députés. Ce serait une violation des règles de l’orthodoxie financière. Par ailleurs, les textes communautaires (et notamment la directive 01/2009/CM/UEMOA portant code de transparence dans la gestion des finances publiques indiquent que le FC des ministères des finances sont désormais indexés à, seuil maximum, 7% des recettes propres et 3% de la trésorerie nette, et non plus sur les amendes et pénalités ou sur autre chose.
-Les mesures de réduction du train de vie de l’Etat ne sont pas chiffrées, ce qui donne l’impression d’un manque de perspective. Par exemple, quand on demande de supprimer le Médiateur du Faso ou le Haut Représentant du Chef de l’Etat, cela va emmener combien de francs comme gain de productivité ? Et que va-t-on faire de ce gain ?
-Une recommandation consiste à revoir à la hausse les frais de mission à l’extérieur. Combien cela va couter au budget alors que l’on demande de réduire les dépenses ? Ne faut-il pas plutôt que cela s’accompagne par une baisse du nombre de mission à l’étranger ?
-Il est préconisé « un moratoire autour de certains points précis, à l’effet d’obtenir une accalmie nécessaire pour une mise en œuvre des conclusions de la Conférence ». On parle aussi de « travailler à l’inclusion de tous les syndicats dans la négociation du moratoire (trêve) ou de « négocier l’accalmie nécessaire avec les syndicats de la Fonction publique ». Comment le faire, quand on sait que l’Opposition avait dit depuis longtemps qu’il fallait commencer par-là ? Pourquoi n’avoir pas créé toutes les conditions pour la participation effective de tous les syndicats, même au prix d’un report de la Conférence ? N’est-ce pas un aveu que les débats vont « reprendre à zéro », quand on connaît les positions des partenaires sociaux et leur représentativité ?
-Il convient également de souligner qu’aucun point du rapport ne traite de l’augmentation des recettes fiscales.
En conclusion, nous notons :
-Que les propositions ne sont pas chiffrées, ce qui dénote une impréparation de la conférence.
-Nous notons aussi que probablement tout ce qui a été dit dans les ateliers ne ressort pas dans le Rapport, au regard de certaines affirmations des participants.
-Enfin il n’apparaît pas dans le rapport les organes et autres mesures qui seront prises pour la mise en œuvre effective de ces recommandations. Autrement, le risque est que cette conférence n’ait été qu’une conférence de plus.
C’est l’occasion pour le Pouvoir de revoir ses méthodes de dialogue social, ses conceptions du rôle et de la place des partenaires sociaux dans le processus. Si on dit que ce sont des partenaires, ils doivent être traités comme tels et doivent être écoutés. On a plutôt l’impression que c’est la stratégie de la tension permanente, avec pour conséquence, la division des travailleurs et tous les risques que cela peut engendrer.
Depuis l’avènement du MPP, notre pays ne connait pas la paix sociale. Les grèves se succèdent et les rapports entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sont de plus en plus tendus. Cette situation pose problème. Un gouvernement a pour mission, entre autres, de savoir gérer les rapports sociaux. C’est ce que tous les gouvernements ont fait depuis l’indépendance. Même quand il y avait des désaccords, les gouvernements passés savaient trouver la bonne méthode pour s’entendre avec les partenaires sociaux et préserver la paix sociale. Aujourd’hui, le pouvoir du MPP a complètement échoué dans ce domaine. Cela signifie simplement que ce Gouvernement est incapable de gérer le Burkina Faso. Il faut que les Burkinabè en tirent les conséquences.
Mesdames et Messieurs,
La politique du « diviser pour mieux régner » que prône le MPP concerne aussi le milieu des organisations de la société civile.
Lors du tout premier point de presse hebdomadaire, l’Opposition politique a dénoncé l’instrumentalisation des OSC par le pouvoir du MPP.
Cette instrumentalisation se poursuit, avec la tournée du député Abdoulaye Mossé dans les régions, pour organiser des meetings de soutien au PNDES. La dernière étape a été Fada N’Gourma, le 09 juin dernier.
Cette manipulation est une violation des lois de la république, car une association n’a pas vocation à faire de la politique, encore moins de chanter les louanges d’un quelconque régime.
La politisation à outrance des OSC les dépouille de leur rôle de contre-pouvoir essentiel à la bonne marche de la démocratie. Mieux, elle jette le discrédit sur les OSC Burkinabè, autant sur le plan national qu’international.
L’Opposition invite donc le ministère en charge des libertés publiques à prendre ses responsabilités, en dissolvant purement et simplement les OSC politiques, pour permettre aux vraies associations de poursuivre leur travail de veille et développement.
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Dans l’actualité de la semaine s’est invité le cas du Blogueur Naim TOURE. Il lui serait reproché (nous mettons au conditionnel, parce que l’accusation n’a rien d’officiel) une déclaration sur un Réseau social, déclaration susceptible de porter atteinte à la cohésion de l’armée, disons-le comme ça.
S’il nous devons faire une remarque par rapport à ce fait, nous déplorerions surtout ce que le commun des Burkinabé appelle de la négligence, le peu de cas qui est fait de la sauvegarde de la vie de nos militaires. C’est la permanence de la mauvaise administration qui est la règle au Burkina.
Face à une urgence, on bureaucratise, on prend son temps, personne ne se sent responsable, parce que, comme on le dit, l’Etat, ce n’est pas le champ de mon père ! Et pourtant, quand il s’agit de la paie, on est présent, on est même archi-présent et on connaît très bien ses devoirs. Les premiers responsables qui devraient faire diligence pour accélérer le traitement de cas dramatiques et urgents ne font rien, et le travailleur concerné, qui connaît ses droits par cœur ne se dévoue pas pour accomplir ses devoirs.
C’est l’illustration patente de la mal-gouvernance collective, le règne du « ce n’est pas mon affaire » !
S’il y a un choix à faire entre mourir et être décoré à titre posthume d’une part, et de l’autre, accomplir son devoir et être vivant et sans décoration, ce choix est vite fait.
La question militaire est délicate. Prendre l’initiative de cotisations pour venir en aide à un soldat, sans l’accord de la hiérarchie peut être assimilé à de la démobilisation de l’armée !
Mais c’est précisément le caractère spécial de la gestion de notre armée qui doit inspirer nos premiers responsables afin qu’ils soient plus actifs que réactifs, plus prompts à prendre des initiatives positives qu’à être rapides dans la répression. La mise en garde à vue de Naim TOURE n’effacera pas dans la conscience populaire, la faute qui consiste à laisser traîner un blessé que l’on peut et que l’on doit faire soigner le plus rapidement possible, surtout si ce blessé s’est illustré de façon exemplaire dans la défense de la patrie !
Nous avons vu ces cas révoltants des victimes de l’insurrection populaire qui ont traîné des années durant leur mal. Ni l’Administration, ni les bienfaiteurs individuels si prompts à parader sur les plateaux des médias nationaux n’ont eu une pensée ou une action digne de ce nom pour prendre l’initiative de venir au secours de ces blessés de la cause nationale ! L’indignation de Naim TOURE est donc explicable, légitime et humaine et nous la comprenons !
Nous devons mettre fin aux fausses promesses, à l’indifférence et aux mensonges qui font le lit de la colère et de sa compagne, la révolte.
Mesdames et Messieurs les journalistes, merci une fois de plus d’avoir été présents au point de presse de l’Opposition. Que Dieu bénisse le Burkina !
23 Juin 2018