Peuple du Burkina Faso ;
Chers compatriotes ;
Burkinabè de la diaspora ;
Il y a cinq mois, je prenais date avec vous pour faire un premier bilan d’étape du processus de reconquête de notre territoire national entamé au lendemain du tournant politique qu’a connu notre pays. Mais il sied, avant d’évaluer le chemin parcouru, de vous décrire de façon explicite et sans complaisance, la situation grave dans laquelle se trouvait notre pays au moment où nous mettions en route l’œuvre de restauration et de refondation.
Le mal qui nous ronge, est la résultante de plusieurs années de compromissions politiques, de contradictions sociales et d’amalgames de tous genres, qui ont fini par porter un coup fatal à l’équilibre délicat, que nos devanciers avaient réussi à trouver, pour permettre aux différentes communautés de vivre ensemble malgré leurs différences. Incapables d’initier le moindre sursaut collectif, nous avons laissé notre pays sombrer. A tous les niveaux, nous avons failli.
A commencer par nous, Forces de défense et de sécurité, chargées de défendre notre territoire et de protéger nos populations. Les divisions internes nous ont fragilisés, au point de remettre en cause les valeurs qui faisaient la renommée du soldat Burkinabè.
Cela se ressent très logiquement sur notre engagement et notre manière de mener la guerre contre le terrorisme. Certaines actions des nôtres ont malheureusement plus contribué à attiser le feu, plutôt qu’à l’éteindre. Cette réalité concerne également les VDP qui, malgré leur bravoure, ont parfois été utilisés ou manipulés à des fins de vengeance au niveau communautaire.
La vérité est que cet état de délabrement moral, concerne toutes les composantes de notre société. Le laxisme et le clientélisme de tous genres, se sont érigés en règle, dans une administration publique prise en otage par des groupuscules. Dans les faits, le service public s’est mué en système de corruption, de clientélisme et de marchandage aux antipodes de la bonne gouvernance tant prônée. Au point où les populations ont fini par développer un sentiment de défiance envers les structures administratives publiques. Des commis de l’État, politisés et sans honte, devenus de vrais rapaces, à l’affût de la moindre opportunité pour aspirer nos maigres ressources publiques.
Le constat n’est guère plus reluisant sur le terrain de la justice en laquelle le Burkinabè a perdu grandement confiance. Une justice devenue un terrain d’affrontement politique et où les luttes intestines l’empêchent d’assumer son rôle de régulateur social. L’indépendance de la justice, saluée par tous il y a quelques années de cela, semble être mal assumée, et pose à nouveau l’épineuse question de l’homme des pouvoirs et des institutions.
Au-dessus, il y a cette classe politique. Une élite censée traduire les aspirations profondes du peuple en projets salvateurs, mais qui malheureusement, s’est engluée dans les méandres de luttes aux finalités malsaines et opportunistes. Trop préoccupée par ses intérêts personnels, insoucieuse devant la désespérance de la population, elle a pour beaucoup fait le choix de rester dans des invectives inutiles, dans l’achat des consciences par des distributions d’argent, dont on doit chercher la provenance.
La consécration de l’impunité dans la gestion des deniers publics a contribué à exacerber le sentiment d’injustice sociale au point d’alimenter de nombreuses rancœurs contre l’Etat et ses démembrements.
Et il y a enfin ce peuple. Ce pauvre peuple, laissé à lui-même, balloté de toutes parts, par les officines obscures cachées derrière certaines technologies, et gavé d’informations alarmistes par certains médias devenus de dangereux outils de subversion. Un peuple qui n’a plus de repère et qui n’arrive, ni à se mobiliser derrière son armée, ni à se révolter contre l’ennemi. Un peuple qui a troqué ses capacités de résilience contre un assistanat continu. Un peuple en quête permanente de bouc-émissaire. Un peuple qui est en train de perdre son âme mais qui ne s’en rend même pas compte. Un peuple qui semble avoir décidé de subir.
Voici, le portait de l’état dans lequel se trouvait le pays au moment où nous prenions nos responsabilités pour une meilleure gouvernance de notre pays.
Qu’avons-nous fait de notre héritage ? Comment avons-nous pu tomber si bas ? Comment se réveiller enfin ?
Mes chers compatriotes ;
C’est à ces différentes questions que nous avons entrepris de trouver des réponses.
Durant ces cinq mois, nous avons essayé d’interroger notre histoire. Quand on perd son chemin, il est sage de revenir à ses racines. C’est ainsi que nous avons essayé d’impliquer davantage les dépositaires de nos traditions et de nos religions, gardiens de nos valeurs. De nombreux efforts ont été déployés. La conjugaison de tous ces efforts a été décisive pour créer un électrochoc nécessaire à notre réveil collectif. Et les premiers signes de ce réveil commencent à être perceptibles, aussi bien sur le plan de la réponse militaire, que celui du dialogue : les deux piliers majeurs de notre stratégie.
Plongées il y a quelques mois dans un état de découragement et de démoralisation avancé, nos Forces se sont remobilisées. L’intensification des actions offensives, conduites souvent en coordination avec les VDP, ont visé surtout à désorganiser le dispositif ennemi. Sur le plan purement opérationnel, cet objectif-là, est atteint.
L’acquisition de nouveaux équipements et le renforcement de nos capacités techniques, nous permettent aujourd’hui de délivrer des feux avec une précision et un effet de surprise que nous n’avions pas auparavant.
Dans une tentative désespérée de se réorganiser, les terroristes procèdent désormais par groupuscules, misant sur des actions d’éclat comme la destruction d’infrastructures, les menaces ou les attaques contre les populations, pour maintenir l’illusion qu’ils gagnent du terrain.
Les actions offensives évoquées ont été rendues possibles, grâce à l’amélioration du dispositif de renseignement, plus précis, plus réactif et plus flexible. Cela a considérablement affiné les opérations de ciblage qui ont permis la neutralisation de plusieurs chefs terroristes locaux.
Le dispositif mis en place pour assurer l’assistance aux populations déplacées et aux populations vivant dans les zones difficiles constitue également un point de satisfaction. Malgré les difficultés liées au terrain, jamais les populations n’ont été abandonnées à elles-mêmes.
En ce qui concerne la mise en œuvre du processus de dialogue, les avancées enregistrées sont très significatives. Elles sont même au-delà de ce qui était attendu. Grâce à l’engagement des autorités religieuses, coutumières et administratives, le programme de démobilisation est aujourd’hui en marche. Plusieurs dizaines de jeunes ont déjà accepté de saisir la main tendue des communautés, en déposant les armes et en s’engageant dans le processus encadré par le Gouvernement.
Tous ces efforts combinés, ont permis d’observer une relative accalmie dans plusieurs localités du Centre-nord, de l’Est et du Nord. Localités auparavant régulièrement éprouvées par les attaques terroristes. Certaines populations commencent progressivement à regagner leurs terroirs dans ces régions.
Il ne s’agit pas ici de s’autocongratuler sur les succès engrangés car, nous en sommes conscients, la dynamique est à peine entrain de s’enclencher. Il faudra tout mettre en œuvre pour la consolider et faire en sorte que le processus devienne irréversible.
Burkinabè de l’intérieur et de la diaspora ;
La gravité de la situation interpelle notre conscience sur le sacrifice individuel et collectif que nous devons consentir. Cette situation nous impose en effet, au nom de la sauvegarde de notre Nation, de prioriser nos actions, nos décisions, nos besoins, nos loisirs et même nos libertés.
C’est le prix à payer pour inverser la tendance et saisir enfin l’opportunité d’honorer notre histoire et de façonner notre devenir. C’est pourquoi, nous allons mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires, pour d’abord reprendre le contrôle total de notre territoire et ensuite remettre notre pays sur les rails du progrès. Il s’agira en effet de poursuivre et d’intensifier les actions militaires, afin de réduire au maximum les capacités de nuisance de l’ennemi. Les nouveaux équipements militaires déjà acquis ou d’autres en cours d’acquisition nous permettront de restreindre davantage et de façon décisive la liberté de manœuvre des groupes qui refusent toujours la main tendue de la Nation.
Le moral de nos troupes étant un facteur décisif de cette guerre, les mesures concernant les conditions de vie et de travail des Forces de Défense et de Sécurité, des Groupes communaux de veille et de défense patriotique, seront renforcées.
Cela s’accompagnera d’une réorganisation en profondeur de notre dispositif opérationnel afin de mettre en place un maillage territorial adapté à l’évolution de la menace. Cette nouvelle structuration est déjà en cours de déploiement. Elle permettra non seulement de répondre aux besoins sécuritaires de proximité, mais facilitera également l’appropriation par les communautés de leur propre sécurité.
Parallèlement, le dialogue initié à la base et qui produit déjà des effets concrets, va être renforcé. Des personnes ressources et particulièrement influentes au sein des communautés, se sont engagées formellement à s’impliquer pour un retour des filles et des fils égarés. Au regard des résultats auxquels nous sommes déjà parvenus, il s’avère que cette initiative de tendre la main à nos frères est très prometteuse. Je voudrais inviter tous les combattants des groupes armés qui, par peur ou par méfiance, hésitent encore à déposer les armes, à faire confiance à l’État et à suivre l’exemple de leurs camarades d’hier qui ont eu le courage de franchir le pas.
Sur le plan de la gouvernance, des réformes majeures seront mises en route pour remettre l’administration publique au service des administrés. Les réformes concerneront également l’animation de la vie politique, qui a aujourd’hui plus des allures anarchiques que d’espaces de propositions pour un meilleur devenir de notre Nation. La classe politique doit porter les espoirs de notre peuple et constituer un exemple à suivre en termes de valeurs patriotiques.
Sur le plan de la coopération, nous sommes très reconnaissants aux pays amis du Burkina Faso, des efforts faits à l’endroit de notre peuple en cette période décisive de son histoire. Notre mutation sera profonde tant au plan politique, social, économique, culturel que diplomatique afin d’asseoir définitivement les bases d’un Etat-nation stable et prospère. Dans cet élan de changement audacieux et dans l’intérêt supérieur de notre pays, nos alliances seront portées vers des options qui garantissent le respect de notre indépendance.
Chers compatriotes ;
Certains d’entre vous, par émotion ou par impatience, succombent rapidement à la tentation de tout remettre en cause, lorsque survient un coup dur. D’autres par contre, par ignorance ou par mauvaise foi manifeste, préfèrent ne voir que les coups durs, jetant aux oubliettes les efforts de nos Forces et ceux de nos vaillantes populations qui ont permis à notre Nation de rester débout.
C’est le lieu pour moi, de saluer les énormes efforts consentis par l’ensemble des Forces de Défense et de Sécurité, ainsi que les Volontaires pour la Défense de la Patrie, qui s’inscrivent sans réserve dans la logique offensive imprimée par le Commandement des Opérations du Théâtre National dans la conduite des activités de sécurisation de notre territoire.
Je réitère une fois encore ma compassion à l’endroit de toutes les victimes, celles qui ont payé de leur vie, mais aussi celles qui souffrent dans leur chair et dans leur dignité du fait du terrorisme.
Mes chers compatriotes ;
L’histoire nous fait un clin d’œil aujourd’hui. Il y a 75 ans, jour pour jour, le territoire de la Haute-Volta était reconstitué après sa dissolution de 1932. En effet, le 4 septembre 1947 sonnait déjà comme un nouveau départ pour le peuple fier de la Haute-Volta. L’espoir d’un avenir radieux qui naissait grâce à de valeureux hommes qui, à l’époque, avaient déjà compris que la Nation passait avant tout.
Des devanciers comme le Mogho Naaba Koom 2, Hamadé Bougouraoua OUEDRAOGO, Daniel Ouézzin COULIBALY, Henri GUISSOU, Nazi BONI, le Mogho Naaba Sagha 2, Gérard Kango OUEDRAOGO, Philippe Zinda KABORE et bien d’autres, ont réussi ce sursaut patriotique qui nous permet aujourd’hui d’exister en tant que Nation. Si ces hommes y sont arrivés malgré l’adversité de l’époque, j’ai la ferme conviction que nous aussi, nous pouvons y arriver.
C’est pourquoi, je voudrais vous inviter à ce même sursaut patriotique. Marchons ensemble dans les pas de ces illustres hommes. Comme eux, faisons de ce 4 septembre 2022 un nouveau départ pour notre pays. Essayons ensemble de dompter nos fragilités et de reconstruire notre vivre-ensemble. Faisons l’effort de retrouver nos valeurs. Franchissons le pas pour oser reparler à l’autre, malgré la douleur et les rancœurs. Il n’existe aucun autre chemin pour enrayer l’engrenage de violences qui nous endeuille quotidiennement. Tôt ou tard, il faudra emprunter ce chemin.
Les divergences que nous trainons depuis des années, ne nous ont causé que désolation. Il est temps de nous redonner la main pour penser ensemble notre avenir. Ce qui est en jeu, c’est notre survie. Ce qui est en jeu, c’est cette Terre que nous avons reçue en héritage. La terre de Maurice YAMEOGO, la terre de Aboubacar Sangoulé LAMIZANA, de Saye ZERBO, de Jean-Baptiste OUEDRAOGO, de Thomas SANKARA, de Blaise COMPAORE, de Yacouba Isaac ZIDA, de Michel KAFANDO, de Roch Marc Christian KABORE. Chers compatriotes ;
Pour ma part, je me ferai le devoir de vous rendre compte périodiquement de nos efforts communs de reconquête du territoire national. Sur ce, je vous donne rendez-vous en début d’année 2023, pour un autre bilan de la dynamique de reconquête de notre pays.
Que l’omnipotent et l’omniscient Dieu, nous inspire, afin que la paix soit bientôt célébrée au Pays des hommes intègres.
Pour la Patrie, nous vaincrons !
Dimanche 04 septembre 2022