Attendu depuis des mois, reporté pour cause de pandémie, le nouveau « pacte » de la Commission européenne pour l’asile et la migration a été présenté, le mercredi 23 septembre 2020 à Bruxelles, par Ursula von der Leyen.
C’en est fini du règlement de Dublin : « L’ancien système, qui laissait les pays aux frontières extérieures assumer seuls la prise en charge des demandeurs d’asile, ne fonctionne pas », a déclaré d’emblée la présidente de la Commission européenne.
Le nouveau pacte, qui prévoit de « rigoureux contrôles » aux frontières extérieures, révise le principe consistant à confier au premier pays d’entrée d’un migrant dans l’UE la responsabilité de traiter sa demande d’asile. Ce « règlement de Dublin », pilier actuel du système d’asile européen, n’a cessé d’alimenter les tensions entre les Vingt-Sept, en raison de la charge qu’il fait porter aux pays géographiquement en première ligne comme la Grèce et l’Italie.
L’idée du immigration choisie
Le premier chapitre du nouveau pacte sur les migrations et l’asile porte sur les contrôles à la frontière, explique Pierre Benazet pour RFI depuis Bruxelles. La Commission européenne propose d’imposer des contrôles automatiques et obligatoires dès l’arrivée des migrants en Europe. Un contrôle sanitaire et de sécurité immédiatement effectué au débarquement avec, entre autres, un enregistrement des empreintes digitales. Surtout, ceci doit servir de filtrage en quelque sorte pour orienter les arrivants le plus rapidement possible vers les procédures d’asile ou vers la reconduite dans le pays d’origine.
Le but est de donner aux candidats à l’asile la certitude que leur demande est recevable. Pour les autres, en revanche, la politique de retours sera accélérée, avec en particulier la nomination d’un coordinateur européen des reconduites. La Commission renoue aussi avec l’idée d’une immigration choisie en fonction des besoins de l’Europe en termes de main-d’œuvre ou de compétences.
Selon la proposition de la Commission, le pays responsable de la demande pourra être celui où un migrant a des liens familiaux, où il a travaillé ou étudié, ou alors le pays lui ayant délivré un visa. Sinon, les pays de première arrivée resteront chargés de la demande.
Un pacte où tous les États seront mis à contribution
Ursula von der Leyen propose ainsi un nouveau départ. Et une solution durable. La Grèce, l’Italie et l’Espagne pourront enfin compter sur la solidarité des Vingt-Sept pour accueillir les demandeurs d’asile, mais surtout pour les renvoyer plus rapidement dans leur pays d’origine.
Le pacte prévoit en effet que les pays de l’UE qui ne veulent pas prendre des demandeurs d’asile en cas d’afflux devront en revanche participer au renvoi des déboutés du droit d’asile depuis le pays européen où ils sont arrivés vers leur État d’origine. Une façon de contourner le refus persistant de plusieurs pays, notamment ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d’accueillir des migrants.
Tous les États seront mis à contribution, en fonction de leur poids économique et de leur population, a expliqué la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson. Mais ils ont le choix entre accueillir des demandeurs d’asile, « parrainer » le renvoi dans son pays d’un migrant ou aider à la construction de centres d’accueil.
En cas de « crise » similaire à celle de 2015, lorsque plus d’un million de réfugiés avaient pris l’Europe de court, un État devra prendre en charge la relocalisation des réfugiés ou le renvoi des migrants déboutés. Et s’il échoue à renvoyer des migrants dans leur pays d’origine dans les huit mois, il doit les accueillir.
Accélérer les procédures
La Commission veut aussi accélérer les procédures d’examen de l’asile, pour déterminer si une personne est manifestement éligible, et éviter que des demandeurs ne s’entassent dans des camps comme celui de Moria, en Grèce. 30 000 à 60 000 demandes d’asile sont déposées tous les mois, alors que plus de 900 000 dossiers sont en attente.
Afin d’augmenter les retours, qui sont effectifs pour moins de 30% des cas, l’exécutif européen veut travailler plus « étroitement » avec leurs pays d’origine en levant leurs réticences avec différents leviers : aide au développement, politique de visa, etc…
La proposition de solidarité européenne obligatoire donnerait la responsabilité des demandes d’asile à un pays où le demandeur a de la famille, où il a reçu un visa, où il a travaillé ou étudié. Mais les pays d’entrée resteraient toutefois en première ligne, car plutôt que d’abolir les règles actuelles (celles de Dublin), la Commission propose finalement de les assouplir.
En résumé : contrôles accrus aux frontières extérieures, durcissement sur les renvois des migrants irréguliers, accélération des procédures. Pour les ONG, la réforme fait le jeu des pays les plus hostiles à l’accueil des réfugiés.
Source: rfi.fr
30 septembre 2020