Le président chinois Xi Jinping a entamé, le lundi 25 mars 2019, le volet officiel de sa visite en France où Emmanuel Macron tentera de le persuader de jouer selon les règles d’un multilatéralisme mal en point.
Emmanuel Macron à la manœuvre
Depuis le début de son mandat, le président français fait entendre une voix critique sur l’initiative chinoise « one belt, one road », les nouvelles routes de la soie portées par Xi Jinping depuis son arrivée au pouvoir en 2012. En janvier 2018, lors d’un discours à Xi’an, dans le centre de la Chine, Emmanuel Macron soulignait que ces routes devaient fonctionner dans les deux sens. Il l’a encore répété il y a dix jours lors de sa tournée en Afrique de l’Ouest, rappelant que « les routes de la soie sont des routes ouvertes par Marco Polo, et elles ont fonctionné dans les deux sens », précisant : « Je crois à l’esprit d’équilibre ». Un discours prononcé sur un continent où la Chine – comme la France – est très présente.
Ce qui inquiète politiques et spécialistes européens, c’est que les nouvelles routes de la soie fonctionneraient à près de 90% avec des produits chinois – produits financiers, infrastructures, normes… « Ce n’est absolument pas le projet gagnant-gagnant, le projet réciproque que nous vendent les Chinois », explique Sophie Boisseau du Rocher, auteure du livre La Chine e(s)t le monde. « L’important, maintenant, c’est d’amener Xi Jinping et son équipe à revoir leur copie afin que l’Europe ne se sente pas lésée par la mise en œuvre des routes de la soie, et au contraire y contribue pleinement. Et qu’effectivement, on parvienne à corriger cette asymétrie ».
Pour Sophie Boisseau du Rocher, l’objectif premier de Pékin avec ses routes de la soie est de créer des connexions maritimes et ferroviaires pour commercer plus facilement avec l’Europe, à l’heure où la croissance chinoise ralentit. Mais pour devenir la première puissance mondiale, la Chine doit pouvoir imposer ses technologies, ses innovations et ses normes au reste du monde, « comme les Etats-Unis l’ont fait à un certain moment ». Il s’agit donc peut-être et surtout pour Pékin de profiter des technologies et des innovations technologiques européennes de pointe « pour non seulement capter de la technologie mais aussi réussir à créer de la technologie qui nous sera imposée par la suite », estime la spécialiste.
Mais il est encore temps pour la France comme l’Europe de changer la situation, avec une Chine plus motivée qu’avant pour discuter, alors qu’elle est en pleines négociations avec les Etats-Unis de Donald Trump. « Pékin souffre plus qu’elle ne veut bien le reconnaître devant la guerre commerciale qui est menée par le président américain », explique Valérie Niquet, de la Fondation pour la recherche stratégique. Et avec cette croissance qui continue de ralentir, Pékin a besoin « de l’Europe et notamment de la France, qui joue un rôle important depuis le Brexit dans les impulsions qu’elle peut donner notamment au niveau de l’Union européenne ».
Difficiles négociations européennes
Mais la France est méfiante. Depuis quelques jours, Emmanuel Macron appelle à trouver une position européenne commune vis-à-vis de la Chine. La semaine dernière, il a initié plusieurs discussions au niveau européen, soulignant que « le temps de la naïveté européenne » dans les relations avec la Chine est révolu. Et il a convié la chancelière allemande Angela Merkel et le président du Conseil européen Donald Tusk à venir rencontrer, eux aussi, Xi Jinping ce mardi à Paris.
Pour autant, le bras de fer entre la Chine et les Américains peut aussi se retourner contre l’Europe. « Il y a déjà eu une loi en Chine pour faire en sorte que les investissements étrangers soient facilités, donc je pense que l’accord sur les investissements a des chances quand même de progresser », concède Emmanuel Dubois de Prisque, de la revue Monde Chinois Nouvelle Asie. Mais selon lui, sur le commerce international, les Chinois s’apprêtent à lâcher beaucoup de lest côté américain, ce sera donc délicat de faire des concessions côté européen.
« Les Chinois aujourd’hui sont tentés de favoriser les Américains, parce que c’est ce que demande Trump, affirme-t-il, parce que la dépendance chinoise à l’égard des technologies américaines est aujourd’hui très importante. On a vu ce qui s’est passé il y a peu pour l’entreprise de télécommunications ZTE, qui a failli disparaître du simple fait de sanctions américaines ». Les Chinois sont beaucoup plus inquiets de ce qui peut se passer du côté américain que du côté européen, et donc davantage prêts à des compromis d’un côté que de l’autre. D’où peut-être l’importance pour Emmanuel Macron de ce front uni qu’il compte présenter à Xi Jinping, avec à ses côtés la chancelière allemande et le président du Conseil européen.
Source:rfi.fr
27 mars 2019