Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Représentants permanents,
Distingués délégués,
C’est à la fois un réel plaisir et un grand honneur pour le Burkina Faso de se soumettre, pour la troisième fois, à cet important mécanisme du Conseil des droits de l’homme qu’est l’Examen périodique universel.
Je voudrais saisir cette occasion solennelle pour féliciter Monsieur Vojislav ŠUC le Président pour son élection à la tête du Conseil des droits de l’homme, lui souhaiter plein succès à son mandat et lui assurer la pleine coopération de mon pays.
Qu’il me soit permis de présenter les compliments du Burkina Faso aux membres du Groupe de travail et, en particulier, à la troïka composée des distingués représentants de l’Espagne, de la République Togolaise et de la République Bolivarienne du Venezuela. Permettez-moi de leur exprimer la sincère gratitude de toute ma délégation pour leur disponibilité à nous accompagner dans le cadre de cet exercice.
Je voudrais également saluer les distingués représentants des gouvernements qui, par leur présence, traduisent leur attachement à la promotion et à la protection des droits humains dans mon pays.
La délégation que j’ai l’honneur de conduire est composée de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur représentant permanent du Burkina Faso auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, de membres de la Mission permanente et d’une équipe comprenant le Président de la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains de l’Assemblée nationale, des représentants de différents départements ministériels. Cette composition multisectorielle, je l’espère, facilitera nos échanges que je souhaite ouverts et fructueux.
Monsieur le Président,
Convaincu que la promotion et la protection des droits humains requièrent un engagement constant, le Burkina Faso a souscrit à l’Examen périodique universel. Ce mécanisme de l’Organisation des Nations Unies, fondé sur l’évaluation des politiques et actions de réalisation des droits humains par les pairs, contribue sans nul doute à l’effectivité des droits humains dans mon pays. C’est pourquoi, le Gouvernement du Burkina Faso ne ménage aucun effort pour la mise en œuvre des recommandations issues de l’EPU.
Monsieur le Président,
Le présent rapport rend compte de la situation des droits humains au Burkina Faso depuis l’examen précédent en 2013. C’est un document consensuel élaboré de manière inclusive et participative par un comité multisectoriel regroupant des acteurs publics ainsi que des organisations de la société civile. Il a été soumis à un atelier national de validation ayant réuni notamment des représentants de départements ministériels, d’institutions publiques, d’organisations de la société civile, des médias, de la Commission nationale des droits humains et des partenaires techniques et financiers. Le rapport national a été adopté en dernière instance par le Conseil des ministres en sa séance du 17 janvier 2018.
Il présente l’évolution du cadre normatif, institutionnel et des politiques publiques en matière de promotion et de protection des droits humains, la mise en œuvre des recommandations acceptées à l’issue du 2ème cycle de l’EPU et enfin les contraintes et défis en matière de droits humains.
Au plan normatif, entre 2013 et 2017, 32 nouveaux textes législatifs relatifs aux droits humains ont été adoptés. Ces textes constituent la base légale des actions visant à assurer une meilleure protection des droits catégoriels, à réprimer les violations des droits humains et à garantir l’indépendance de la justice. Ce cadre juridique a été renforcé avec la ratification de 8 instruments internationaux relatifs aux droits humains au cours de la période concernée. Ces textes législatifs ainsi que les instruments internationaux ratifiés sont répertoriés dans le rapport national.
S’agissant spécifiquement de l’indépendance de la justice, les Etats généraux de la justice, tenus du 24 au 28 mars 2015, ont permis de faire un diagnostic complet du fonctionnement de l’appareil judiciaire. Ils ont abouti à l’adoption du « Pacte national pour le renouveau de la Justice » qui vise à consolider l’Etat de droit au Burkina Faso. C’est dans ce contexte que certains dossiers judiciaires en souffrance depuis de nombreuses années ont connu une importante avancée.
Par ailleurs, avec la révision de la Constitution intervenue en 2015, l’indépendance du pouvoir judiciaire a été renforcée. En effet, le Conseil Supérieur de la Magistrature n’est plus présidé par le Chef de l’Etat, mais plutôt par le Premier Président de la Cour de Cassation. De même, la saisine du Conseil constitutionnel en matière de constitutionnalité des lois a été ouverte à tout citoyen, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité.
Le processus de réformes se poursuit avec la relecture en cours notamment de la Constitution, du Code pénal, du Code de procédure pénale et du Code des personnes et de la famille. Dans ce cadre, les innovations majeures sont relatives à la constitutionnalisation de certains droits économiques, sociaux et culturels tels que les droits à l’alimentation et au logement décent, à l’abolition de la peine de mort, à la définition du mariage ainsi qu’à l’harmonisation de la majorité civile et matrimoniale à dix-huit (18) ans pour la femme et l’homme.
Au plan institutionnel, les principales évolutions sont la création du Haut-conseil pour la réconciliation et l’unité nationale, de l’Observatoire national des faits religieux, de l’Observatoire national de prévention et de gestion des conflits communautaires, du Haut-conseil pour le dialogue social dont les membres ont, du reste, été installés ce 03 mai 2018. Par ailleurs, le Conseil supérieur de la magistrature, l’Autorité supérieure de contrôle d’État et de lutte contre la corruption et la Commission nationale des droits humains ont vu leur mandat renforcé.
S’agissant spécifiquement de la Commission nationale des droits humains, des innovations majeures qui la rendent conforme aux Principes de Paris ont été introduites par une loi adoptée en 2016. Ces innovations sont, entre autres:
- l’autonomie de gestion budgétaire ;
- l’impossibilité de cumuler le statut de commissaire avec certaines fonctions publiques ou privées ;
- la parité femmes-hommes dans la composition du Bureau ;
- le droit d’accès sans restriction aux lieux de détention et de privation de liberté.
Dans le cadre de son opérationnalisation, ses membres ont prêté serment le 26 mars 2018. Le Président et les autres membres du bureau ont été élus en avril dernier et seront incessamment nommés en Conseil des ministres. Par ailleurs, des dispositions sont prises afin de doter l’institution de son budget au cours de cette année même.
Au titre des politiques publiques, le référentiel national est le Plan national de développement économique et social (PNDES) 2016-2020. Il vise une croissance cumulative du revenu par habitant à même de réduire la pauvreté, de renforcer les capacités humaines et de satisfaire les besoins fondamentaux, dans un cadre social équitable et durable. Dans le cadre de sa mise en œuvre, plusieurs politiques sectorielles couvrant divers domaines de droits humains ont été adoptées.
Concernant spécifiquement la politique sectorielle « justice et droits humains », la vision du Burkina Faso à l’horizon 2027 est de disposer « d’une justice crédible, accessible à tous et respectueuse des règles d’un Etat de droit qui garantit aux femmes et aux hommes l’effectivité de leurs droits pour une nation pacifique et solidaire ». L’impact attendu de la mise en œuvre de cette politique est que les populations, dans leur diversité, aient une meilleure satisfaction des services rendus par la justice et la protection de leurs droits.
Monsieur le Président,
Il me plait de rappeler qu’à l’occasion du deuxième cycle de l’EPU, 165 recommandations avaient été adressées à mon pays qui en a accepté 138. Pour la mise en œuvre de ces dernières, le Gouvernement burkinabè a adopté le plan d’actions national 2014-2017, comprenant également les recommandations des organes de traités. Dans le cadre de l’exécution de ce plan d’actions, des mesures, notamment, politiques, législatives, judiciaires et administratives ont été engagées.
Au 31 décembre 2017, le taux de mise en œuvre des recommandations acceptées de l’EPU se situait à 92%. En effet, seules 3 d’entre elles n’ont pu être entièrement réalisées. Il s’agit des recommandations relatives à l’adoption d’un Code de protection de l’enfant, à la ratification de la Convention n°189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques et à la ratification des amendements de Kampala au Statut de la Cour pénale internationale. Toutefois, je voudrais vous rassurer que le processus de mise en œuvre de ces 3 recommandations a été engagé.
Monsieur le président,
Tous ces efforts ont permis d’améliorer les indicateurs dans des domaines tels que l’accès à la justice, la liberté de presse, la santé et l’accès à l’eau potable.
S’agissant de l’accès à la justice, un Fonds d’assistance judiciaire a été créé et opérationnalisé en 2016 en vue d’améliorer l’accessibilité financière des populations vulnérables aux services judiciaires. L’évolution des ressources allouées au Fonds a permis d’accroitre le nombre de personnes assistées de 69 en 2016 à 239 en 2017.
Au plan de la liberté de presse, le Burkina Faso occupe le premier rang en Afrique francophone depuis 2015 selon le classement mondial de la liberté de presse de Reporters sans frontière.
Dans le domaine de la santé, le nombre de médecins pour 100 000 habitants est passé de 4,8 en 2014 à 6,3 en 2016. En vue de renforcer l’approche communautaire des questions de santé, le Gouvernement a recruté 17 668 agents communautaires en 2017 pour couvrir tous les villages du pays.
Poursuivant ses efforts en matière de lutte contre les mutilations génitales féminines, le Burkina Faso s’est doté d’un nouveau plan stratégique national de promotion de l’élimination de la pratique de l’excision (2016-2020). Ces efforts ont permis la baisse de la prévalence moyenne chez les filles de moins de 15 ans, la sanction des auteurs de cette pratique ainsi que l’amélioration de la prise en charge des victimes.
Le Burkina Faso se félicite de son leadership sur cette question au sein du Groupe des Etats Africains aussi bien à l’Assemblée générale de l’ONU qu’au sein du Conseil des droits de l’Homme. Cela a permis depuis 2012, d’adopter les résolutions sur l’intensification des efforts en vue d’éliminer les mutilations génitales féminines.
En matière d’accès à l’eau potable, les dernières statistiques disponibles présentent une amélioration. En effet, en milieu rural, le taux est passé de 63,5% en 2013 à 66,2% en 2017. En milieu urbain, il est passé de 86,2 % à 91,7 % sur la même période.
Monsieur le Président,
La mise en œuvre des recommandations est largement tributaire du contexte économique, social, politique et de bien d’autres facteurs. En dépit des efforts du Gouvernement pour améliorer la situation des droits humains au Burkina Faso, le pays fait face à des contraintes économiques et financières qui impactent négativement leur effectivité. En outre, la période couverte par le rapport a été marquée par des crises sociopolitiques.
A cela s’ajoutent les difficultés d’ordre sécuritaire marquées par des attentats terroristes à répétition et la recrudescence du grand banditisme.
En ce qui concerne la question du terrorisme, le Burkina Faso a été à plusieurs reprises, la cible d’attaques terroristes qui ont fait de nombreuses victimes civiles et militaires et occasionné d’importants dégâts matériels.
En vue d’apporter une réponse efficace à ce phénomène et d’une manière spécifique aux nouvelles formes d’atteinte à la sécurité nationale, de nouvelles structures, en l’occurrence l’Agence nationale de renseignement et le Conseil de défense et de sécurité nationale, ont été créés.
Par ailleurs, le Burkina Faso a renforcé sa coopération sous régionale et internationale en matière de lutte contre le terrorisme. A ce titre, il participe activement au G 5 Sahel qui est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, créé en février 2014 par cinq États du Sahel que sont le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. De même, la coopération avec les pays voisins a été renforcée en vue d’une mutualisation des efforts dans la lutte contre le terrorisme.
Je tiens à vous rassurer que le Gouvernement veille à ce que toutes les mesures prises pour lutter contre ces nouvelles menaces soient conformes à ses engagements internationaux en matière de droits humains.
En outre, dans la perspective de renforcer la résilience des populations, le Gouvernement a lancé, le 03 août 2017, un programme d’urgence pour la région du Sahel d’un montant de 455,34 milliards de F CFA pour la période 2017-2020. Ce programme vise à améliorer l’accès aux services sociaux de base par ses bénéficiaires.
Concernant toujours la sécurité, il sied de rappeler que le contexte de l’insécurité, exacerbé par l’insuffisance des moyens de l’Etat, a favorisé le développement des initiatives locales de sécurité, dans certaines régions du pays, qui se sont donné pour but de contribuer à la lutte contre le grand banditisme. Si les actions de ces groupes ont souvent été saluées par les populations locales qui y voient un moyen efficace de lutte contre l’insécurité, il convient, cependant, de regretter les atteintes graves aux droits et libertés fondamentales et aux principes de l’Etat de droit dont ils se rendent coupables.
Pour relever ce défi, le Gouvernement a pris des mesures en vue de mettre fin aux dérives constatées. Ainsi, un décret portant définition des modalités de la participation des populations à la mise en œuvre de la police de proximité a été adopté en novembre 2016 pour encadrer les actions de ces initiatives locales de sécurité et assurer le suivi de leurs activités. De même, des actions de formation et de sensibilisation sont entreprises au profit de ces groupes afin de les amener à intégrer le respect des droits humains dans leurs actions et à améliorer leur collaboration avec les forces de défense et de sécurité. Par ailleurs, des poursuites judiciaires ont été engagées contre les personnes suspectées d’actes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ainsi, de 2015 à la date du 30 avril 2018, 151 personnes ont été poursuivies devant les juridictions nationales dont 52 personnes condamnées à des peines d’amendes et/ou d’emprisonnement pour diverses infractions.
Monsieur le Président,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Représentants permanents,
Distingués délégués,
Pour conclure mon propos liminaire, je voudrais adresser les remerciements de ma délégation à l’ensemble des Etats qui ont bien voulu nous adresser des questions à l’avance, et réitérer notre disponibilité à mener un dialogue direct, franc et constructif avec les Etats membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme.
Je vous remercie pour votre attention !
09 Mai 2018