Une soixantaine de morts et plus d’une centaine de blessés. Le bilan de l’attentat kamikaze à la voiture piégée qui a frappé un camp à Gao dans le nord du Mali est particulièrement lourd. Un camp regroupant militaires et combattants issus de groupes signataires de l’accord de paix d’Alger de 2015. Selon le site mauritanien Al-Akhbar l’attaque a été revendiquée par les jihadistes d’al-Mourabitoune.
C’est par le biais d’un de ses canaux de transmission habituels, le site d’information mauritanien Al-Akhbar, que le groupe jihadiste affilié à Aqmi (al-Qaïda au Maghreb islamique) revendique l’attentat du camp de Gao. Al-Mourabitoune avait notamment revendiqué l’attaque du Radisson de Bamako qui avait fait 27 morts en novembre 2015
Les jihadistes ont toujours clamé leur hostilité à l’accord de paix de 2015 sur le Nord-Mali. Et la cible, ce camp est le symbole de l’application de cet accord. Situé à quelques centaines de mètres de l’aéroport de Gao, il regroupe 600 hommes. Militaires, combattants issus de l’ex-rébellion ou de groupes armés pro-gouvernementaux y cohabitent, et s’apprêtaient prochainement à mener des patrouilles conjointes, en vertu de l’accord de paix signé à Alger en 2015.
Le matin avant 9h, au volant d’un véhicule sable aux couleurs du Mécanisme opérationnel de coordination, chargé d’organiser ces patrouilles, le kamikaze a forcé l’entrée, écrasant les deux gardes en faction pour foncer vers le centre du camp. C’est là, alors que deux sections étaient regroupées qu’il a fait exploser sa charge. La détonation a fait trembler les murs des maisons de Gao et provoqué un mouvement de panique, selon des témoins.
Deuil national
Le bilan est extrêmement lourd. C’est l’attentat le plus meurtrier de l’histoire récente du Mali. Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a décrété trois jours de deuil national. Le gouvernement malien condamne une attaque visant le symbole « de la réconciliation qui est en marche au Mali ». Mais son porte-parole, Mountaga Tall, prévient : « aucun chantage, aucun terrorisme n’amènera le gouvernement à reculer, se dédire, revenir sur sa signature. L’accord de paix sera appliqué jusqu’à son terme. (…) Nous allons évaluer la situation, en tirer les leçons et les conséquences, mais le cap est connu et il est fixé. »
Du côté du Gatia, membre de la Plateforme, Fahad Ag Almahmoud confie sa surprise devant une telle attaque, malgré les menaces fréquentes. « Nous avons toujours dit que les groupes armés ont reçu des menaces de la part de groupes terroristes au cas où ils participeraient à de quelconques opérations avec les forces maliennes ou internationales, mais on ne pensait pas que des terroristes allaient entrer à l’intérieur d’un camp comme ça et se faire exploser. On ne s’attendait pas à ça. »
Une première
Car jusqu’ici, les groupes terroristes s’attaquaient essentiellement aux forces militaires – soldats de l’armée malienne, de la force française Barkhane ou les casques bleus de la Mission des Nations unies. Les combattants des groupes armés du Nord, signataires de l’accord de paix, ne constituaient pas des cibles.
Certes les ex-rebelles du MNLA ont parfois enregistré des combats meurtriers contre les terroristes d’al-Qaïda au Maghreb islamique. Mais le plus souvent, ce sont plutôt les collusions entre les groupes armés signataires de l’accord de paix et les groupes armés terroristes qui sont pointés. Par les groupes signataires eux-mêmes, groupes pro-Bamako et ex-rebelles s’accusant régulièrement les uns les autres ; ou par les forces maliennes et internationales présentes dans le pays, qui déplorent que ces liens leur compliquent parfois la tâche.
L’attaque du camp de Gao est donc inédite à deux égards : d’abord parce qu’elle est la plus meurtrière jamais perpétrée sur le sol malien depuis le début de la crise, ensuite, par le symbole qu’elle représente. En ciblant directement des soldats maliens et des combattants des groupes armés, ex-rebelles comme groupes pro-Bamako, les terroristes jihadistes montrent que plus personne n’est à l’abri.