Mikhaïl Kalachnikov en août 2007 - AFP

L’inventeur de la kalachnikov est mort

Mïkhail Kalachnikov, l’inventeur du fusil d’assaut du même nom, est décédé lundi 23 Décembre 2013 à l’âge de 94 ans, a annoncé l’agence de presse Itar-Tass. Il s’est éteint dans sa ville d’Ijevsk, dans l’Oural, où son arme continue d’être fabriquée.

Mikhaïl Kalachnikov a vanté toute sa vie la simplicité exemplaire de cette arme emblématique de l’URSS puis de la Russie, vendue à quelque 100 millions d’exemplaires. Kalachnikov est l’un des Russes les plus connus au monde. Il est aussi l’une des personnes les plus décorées dans son pays, mais il n’a retiré presque aucun bénéfice financier de son invention, en service dans les armées de plus de 80 pays.

L’emblématique fusil AK-47 – dont l’image figure sur les armoiries de six Etats – restera sans doute encore longtemps l’arme la plus répandue sur la planète, car sa production est plus ou moins hors de tout contrôle. De l’aveu même de son inventeur, « la moitié, sinon plus (des kalachnikov produites), sont des armes fabriquées en contrebande ». « J’ai construit des armes dans le but de défendre notre société », avait-il souligné lors de son 90e anniversaire en 2009, tout en reconnaissant que « ce n’est pas agréable de voir que toutes sortes de criminels tirent avec mes armes ». « Bien sûr que j’ai des regrets, comme tout le monde. Mais je peux vous dire une chose : si c’était à refaire, je ne vivrais pas autrement », avait-il conclu.

Le destin de l’inventeur et celui de son fusil se confondent avec l’histoire de l’Union soviétique. Né le 10 novembre 1919 dans un petit village de Sibérie, Mikhaïl Kalachnikov a eu une jeunesse tragique. Sa famille, considérée comme « paysans riches » (koulak), est victime de la répression stalinienne : à l’âge de onze ans, il est déporté. L’un de ses frères a été emprisonné au Goulag. Et jusqu’à la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, le général Kalachnikov, délégué aux congrès du Parti communiste de l’URSS, gardera le silence, même au sein de sa famille, sur « ces terribles secrets ».

Grand respect

Malgré tout, le constructeur avait confié à l’AFP en 2000 être très affecté par la disparition de l’URSS et il n’hésitait pas à défendre le système communiste « où tout n’était pas si mauvais ». Blessé dès les premiers combats opposants Nazis et Soviétiques en 1941, Kalachnikov est évacué et commence la mise au point de ce qui deviendra l’AK-47 en 1947, un fusil « extrêmement simple, fait pour un soldat qui n’a pas de diplômes », selon ses dires.

Kalachnikov a révélé dans un de ses livres que les armes automatiques avaient été bannies de l’Armée rouge à la veille de la Seconde guerre mondiale sur ordre d’un vice-ministre de la Défense que personne n’osa alors contredire. Pour l’ingénieur, cela explique en partie les premières pertes énormes lors de l’offensive nazie contre l’URSS.

Sa « kalach » lui a valu le respect de tous les spécialistes. Uzi Gal, l’inventeur israélien de la mitraillette Uzi (mort en 2002) avait confié à Kalachnikov: « Vous êtes un constructeur inégalé et le plus compétent ».

Petit homme soigné aux yeux bleus, l’ingénieur Kalachnikov s’est toujours vanté de ses compétences manuelles. « De toute ma vie, je n’ai jamais appelé un serrurier ou un électricien », disait ce passionné de pêche, qui a 90 ans assurait encore aller quatre jours par semaine au travail à l’usine Ijmach qui produit les armes portant son nom.

Son fils Viktor a suivi ses traces et mis au point le pistolet-mitrailleur Bizon-2, utilisé par la police russe. «  Mon père et moi aurions pu devenir millionnaires, comme l’inventeur américain du Mi-16 Eugene Stoner qui touchait un dollar sur chaque fusil vendu. Mais le système russe ne le permet pas », regrettait Viktor Kalachnikov. Car la Russie, grande exportatrice d’armes n’a pas fait faire reconnaître le droit de Kalachnikov à la propriété intellectuelle.

«  Kalachnikov » est aujourd’hui une marque qui se décline sous diverses formes : des parapluies, des couteaux, des montres et une voiture portent ce nom. Et bien sûr aussi une vodka, la boisson préférée du général qui, selon lui, « tient bien mieux au corps que du Coca-Cola ».

L’arme la plus connue au monde
Conçu en 1947 par le Soviétique Mikhaïl Kalachnikov, le fusil d’assaut du même nom est devenu l’arme la plus répandue au monde, utilisée aussi bien par les armées régulières que par des rebelles ou des criminels aux quatre coins de la planète.
Certains estiment à environ 100 millions le nombre de ces armes en circulation à travers les cinq continents aujourd’hui, un chiffre colossal difficile à vérifier en raison de la grande quantité de fusils produits sans licence.
Cela équivaudrait à une kalachnikov pour 70 habitants de la planète, souligne Christopher Chivers dans son ouvrage intitulé « The Gun », qui retrace le destin exceptionnel de ce fusil-mitrailleur élaboré à la fin de la Seconde guerre mondiale.
« Plus de six décennies après sa conception et sa mise en circulation, les armées de plus de cinquante pays sont équipées de kalachnikovs, ainsi que toute une série de services de police, d’agences de renseignement et de sécurité », écrit-il. Mais surtout, la kalachnikov est l’arme de prédilection « de la guérilla, du terroriste, de l’enfant soldat, du dictateur et du criminel », ajoute-t-il.
Les secrets de ce succès ? « C’est une arme simple et fiable », a expliqué à l’AFP Igor Korotchenko, directeur du Centre d’analyse du commerce mondial d’armes basé à Moscou. D’une telle simplicité que le novice peut s’en servir aussi bien que le professionnel, faisant de la mitraillette une arme extrêmement meurtrière.
Légère, avec une cadence de tir allant jusqu’à 600 coups par minute, elle est maniable et d’une robustesse à toute épreuve, quelles que soient les conditions climatiques dans lesquelles elle est utilisée.
C’est dans un institut de recherches à une centaine de kilomètres de Moscou que le prototype de la première version, l’AK-47, a été mise au point par le sergent Mikhaïl Kalachnikov, qui s’est inspiré du fusil allemand Sturmgewehr-44 mis en service pendant la guerre.
Blessé sur le front pendant la Seconde guerre mondiale, le jeune soldat, doué pour la mécanique, est transféré pour sa convalescence dans un institut et se met à concevoir des fusils.
A la fin du conflit, face aux Etats-Unis qui ont utilisé la bombe atomique, le dictateur soviétique Staline cherche par tous les moyens à assurer la sécurité de l’URSS et ordonne un concours pour la création d’un fusil automatique d’un type nouveau. En 1948, après avoir passé une batterie de tests, le prototype de l’AK-47 (acronyme d’ »Avtomat Kalachnikova 1947 »), est déclaré vainqueur. La production de masse est aussitôt lancée dans une usine à Ijevsk, à 1.300 km à l’est de Moscou, pour équiper l’Armée rouge.
Les Occidentaux prêtent alors peu attention à cette nouvelle arme. Les Américains mettront ensuite des années pour combler leur retard, et leur fusil d’assaut M16, ne connaîtra jamais le même succès.
A partir des années 1950, l’affrontement Est-Ouest se durcissant, l’URSS autorise la production sous licence du fusil, dont de nouvelles versions sont élaborées au fil du temps, dans les pays du bloc socialiste comme la Chine et la Corée du Nord, ou en Europe de l’Est, ouvrant la voie à sa prolifération dans le reste du monde.
L’AK-47 est toujours un symbole national en Russie, où chacun, garçons et filles, en apprenait le maniement au lycée jusqu’à la chute du régime soviétique en 1991. Le fusil devient le symbole de la lutte armée pour l’indépendance, et orne de nombreux drapeaux, dont celui du Mozambique ou celui du mouvement chiite Hezbollah.
Avec l’éclatement du bloc soviétique, des stocks entiers d’AK-47 et AK-74 (un modèle dérivé) sont dispersés à travers le monde par des trafiquants, et l’arme est fabriquée sans licence dans une multitude de pays. « Aujourd’hui, des versions piratées sont produites dans des pays comme la Bulgarie et la Chine ainsi que dans l’ex-Yougoslavie », a indiqué M. Korotchenko.
L’utilisation de cette arme de guerre s’est banalisée notamment dans les milieux du grand banditisme et des petits voyous, en raison de son coût relativement abordable au marché noir — parfois quelques centaines d’euros seulement– et de la facilité qu’il y a apparemment à s’en procurer.

Source AFP

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